Bien plus que la technique : Compte rendu et impressions du stage du 22 novembre avec Sebastien Heurteau

Publié le 2 Décembre 2015

Sébastien lors d'un stage à Bayonne (source : Site de Sebastien Heurteau, Traitement : Aïki-kohaï)

Sébastien lors d'un stage à Bayonne (source : Site de Sebastien Heurteau, Traitement : Aïki-kohaï)

Cela fait longtemps que je voulais retourner voir Sebastien Heurteau et son superbe Dojo de Neuilly sur Marne. En Ile de France, les stages et propositions d'études concernant l'Aïkido et les arts martiaux ne manquent pas et loin de moi l'idée de votre serviteur de se plaindre d'une telle foison d'offres alléchantes.

Grâce au blog, et je vous en remercie mes chers lectrices et lecteurs, j'ai également la chance d'être parfois sollicité à de nombreux endroits en même temps mais...je n'ai pas encore acquis la technique du Kage-Bushin-No-Jutsu/multiclonage et je dois bien souvent prendre une décision.

Ainsi, pendant que tout mon coeur était avec mes amis et maîtres de Kokyu-ho sur Paris pour assister au stage de Mare Seye, ma tête et mon corps étaient en pleine réflexion auprès de Sebastien dit "le discret" bien qu'il ne soit pas timide.

Quelques excellentes interviews existent de lui comme celle-ci (de notre Guillaume Erard national) ou encore celle-ci (plus récente, à trouver sur le club Aïkikaï Varennes-Jarcy). Je vous propose également mon propre petit biopic pour ceux et celles qui ne le connaissent pas encore :

Sébastien Heurteau débute les arts martiaux par le Judo puis l'Aïkido en 1990 à Neuilly sur Marne, en région parisienne.

Premier shodan de son club en 1997, son professeur de l'époque le pousse vers Vincennes et l'enseignement de Christian Tissier où il pratique dès 1998. Alors éducateur sportif, il s'entraine corps et âme pendant 5 ans avant de prendre la décision de partir étudier l'Aïkido au Japon.

Sebastien explique souvent cette décision par le fait de vouloir "plus que la technique", ce petit supplément d'âme que vont chercher souvent les Budokas en puisant directement à la source culturelle de leur art. C'est exactement ce qu'il fera.

Cette décision importante le fait rester 8 ans au Japon où il travaille principalement avec Yasuno senseï, Endo sensei, Osawa sensei, Kuribayashi sensei et Kobayashi sensei. Il participe même auprès de maître Kobayashi à de nombreuses démonstrations et notamment du très médiatique "All Japan Aïkido".

Totalement immergé dans la vie quotidienne des japonais, il construira son foyer au Japon avant de rentrer en France en 2011 où il enseigne principalement à Neuilly-sur-Marne, le club de ses débuts.

Pour faire bref, amis lectrices et lecteurs, on peut donc dire que "Seb" (pour les intimes) est un aventurier du Budo (sans fouet, ni chapeau) comme on rêve tous d'être à un moment donné de sa vie sans pour autant avoir la même chance ou bien le même courage de prendre la décision de tout plaquer pour réaliser un rêve de jeunesse un peu fou.

Pour ceux qui connaissent le détail de ses aventures là bas (le plus souvent sans le sou), je peux vous dire que ça force le respect.

Par contraste et c'est aussi ce que j'apprécie chez lui, il n'est pas du genre à se mettre en avant. C'est un chercheur d'âme. Un traqueur de contenu plutôt que de contenant. Un artisan de l'Aïkido plutôt qu'un technicien pur. La recherche de Sébastien est bien à lui. Ses mouvements, sa construction, sa façon d'enseigner est un savant mélange de ses expériences japonaises et de sa pédagogie d'éducateur.

Le suivre un dimanche matin relève pour moi d'une démarche rigoureusement identique aux motivations de Sébastien lors de son départ au Japon. Il s'agit pour moi aussi d'aller chercher "un petit quelque chose de plus" au delà de la technique pure pour me construire. Pas facile d'identifier les professeurs qui collent à votre démarche particulière à l'instant T. mais je pense que je commence à avoir le coup d'oeil ou du moins je l'espère.

Ajoutons à cela ma satisfaction profonde de retrouver de nombreux pratiquants des clubs alentours et notamment de Gagny ainsi que mon jumeau maléfique, Guillaume Roux, élève de Sébastien une bonne partie de son temps.

Il va sans dire que je ne fus pas déçu de cette aventure dont je vais vous narrer le détail.

 

Le jeune Kohaï Sebastien Heurteau en 1996

(source : collection privée de Sebastien)

 

LE CONTENU ET LE CONTENANT :

Le temps magnifique aidant, commençons par dire que j'étais loin d'être le seul à avoir la même idée saugrenue. Beaucoup de pratiquants (débutants et gradés) étaient présents sur le tapis en ce jour de stage. Assez pour remplir le vaste tatami d'un bout à l'autre en rang très serré. La plupart des visages étaient inconnus mais je dois avouer, là encore, ma satisfaction de retrouver de nombreuses têtes que je croise souvent à Rosny-sous-bois pour les séminaires de Philippe Grangé, à Aubervilliers pour les aficionados d'Arnaud Waltz ou encore à Gagny et à Paris.

L'échauffement made-in-Sebastien ressemble à beaucoup de ceux qu'on croisent dans la plupart des bons keikos avec un petit "supplément Japonais" très plaisant. Le senseï ne parle pas ou peu pour donner des indications, les mouvements proposés s'enchainent rapidement, parfois proposés par des instructions basiques comme "ukemi dozo..., shikko dozo etc...".

On se sent transportés en quelques minutes dans un "vrai" dojo, avec des sensations rappelant un peu Yasuno senseï himself dont me parlait l'ami Farid Si moussa et c'est pour le meilleur.

Sebastien débute immédiatement son séminaire en proposant un exercice de contact ou Uke doit placer sa main sur l'épaule de Tori tandis que ce dernier essaie de se déplacer. L'un et l'autre des partenaires doivent tenter de ne jamais rompre la connexion.

Ce postulat de départ permet de travailler ensuite sur une autre série d'exercice sur saisie franche en kata dori où les ennuis commençèrent. Sebastien est extrèmement attentif à nous voir échanger sur ces exercices en gardant un échange de qualité, permettant à Tori de mettre en jeu un déséquilibre ou une technique potentielle. La distance est importante, le contact est important, la qualité des Taï Sabaki et de l'engagement du corps sont complexes à mettre en oeuvre et surtout à faire suivre à son partenaire lorsqu'on est celui qui génère le mouvement.

Un must-have intéressant au delà des catalogues martiaux.

Sebastien insista me concernant sur le fait de ne pas reprendre une distance lors de ces exercices afin de ne pas rompre le travail du partenaire et surtout de garder à l'esprit une riposte potentielle de sa part en atémi, kaeshi waza ou même sur une coupe.

Il pris d'ailleurs le temps de montrer comment il travaillait ces mêmes exercices en utilisant un bokken (assez court au demeurant) lorsqu'il était tori ou bien en empêchant Tori de dégainer ce même bokken lorsqu'il était uke, une main posée en protection sur la garde du partenaire.

Cette première partie de cours est un échantillon du travail de Sebastien que je ne peux pas m'empêcher de mettre en exergue pour vous, lectrices et lecteurs. Notre maître du jour expliqua notamment que ces exercices ne sont pas des techniques mais qu'ils sont constitutifs de la technique car ils représentent des principes (ma aï, de aï, taï sabaki, kuzushi, engagement du corps et bien d'autres...).

J'ai beaucoup apprécié le développement que Sebastien donna sur sa propre recherche. Il indiqua, l'air amusé, que l'Aïkido se construisait en deux bases symbiotiques : contenant et contenu. La technique étant dans cette image le contenant et les principes une petite partie du contenu qui doit créer la richesse des mouvements.

Notons cet enseignement important du maître ce jour (en substance bien sur) : "Un contenant riche doit faire de vous un bon technicien mais un contenu riche doit donner du sens."

 

Sebastien en uke lors d'un stage avec Farid Si moussa

(source : Aïki-kohaï)

 

DANS LE PAS DYNAMIQUE DE YASUNO SENSEI :

A l'aune de ces séries d'exercices, Sebastien nous proposa ensuite quelques séries de techniques destinéees à mettre les principes évoquées plus haut en application. Citons notamment à la volée Sokumen Iriminage sur kata dori, une transition possible vers Iriminage, ikkyo omote et ura sur un men uchi (que décidément j'ai du mal à trouver) et quelques kokyu nage si ma mémoire est bonne.

Si la somme des techniques proposées n'est pas impressionnante en moyenne, sachez que c'est souvent un gage de qualité que de proposer une étude construite non pas une envolée lyrique de mouvements. C'est en tout cas ce que j'apprécie à titre personnel bien que des stages techniques ou de préparation permettent moins ce type de développement pour des raisons valables également.

Parlons ensuite de la "méthode Heurteau" plutôt que vous débiter à la chaîne "la liste de ce qu'on a fait", amis lectrices et lecteurs. SI vous vouliez des listes, vous êtes tombés au mauvais endroit !

Que dire sans tomber dans le compliment béat ?

Sebastien est très attentif à nous transmettre pas à pas la mécanique du corps qui va de la distance prise au départ de la saisie en passant par la mobilisation articulaire de uke jusqu'au contrôle de l'axe et du centre puis l'engagement final de la technique proprement dites. C'est un découpage logique, clair, précis, construit. J'adhère.

Je suis donc à même de le dire même si je m'en doutais déjà que Seb....c'est bien (oui, je sais, je sais, il va me tuer en lisant ça...).

Si je devais également faire l'analyse des techniques proposées et la façon dont il a pu nous les transmettre, je dirais de plus que, dans la majorité des cas, Sebastien se pose d'avantage en vecteur qu'en senseï. Quitte à admettre clairement devant nous et plusieurs fois : "qu'il ne fait que répéter les paroles de son maître" (entendez par là, Yasuno senseï himself). On le sent très attentif à garder une certaine retenue sur le contenant qu'il maîtrise afin de favoriser l'ambiance générale du stage et le contenu de celui-ci.

De même, malgré mes nombreuses erreurs sur certaines techniques, pour ne citer évidemment que moi, j'ai senti toutefois que Sebastien prenait d'infimes précautions à ne pas me bloquer dans ma démarche, préférant venir à mon contact pour proposer toute de suite une solution adaptée plutôt qu'un banal "Ce n'est pas correct" m'obligeant à me calquer forcément sur lui.

Dans l'ensemble d'ailleurs, des éléments de son discours ressemblaient à ceux de Guillaume Erard qui, je me rappelle, insistait sans cesse sur le fait de ne pas juger "correct ou incorrect" une façon de faire.

Peut être est-ce aussi l'influence de Kobayashi Sensei sur une façon de transmettre tout en restant dans une certaine perspective, sans idôlatrie ni orthodoxie, je ne saurais le dire.

J'ai également senti Sebastien très ouvert, disposé encore une fois à m'expliquer longuement sa proposition ici même plutôt qu'à l'imposer et pourtant j'ai vraiment tenté (comme je le fais à chaque fois que je suis l'enseignement d'un maître) de me plonger complètement dans son univers...tout en restant moi même (ce qui est parfois paradoxal).

Pour être passé entre les mains plusieurs fois déjà de notre enseignant pour ce séminaire, je dirais que le centrage de Seb-senseï est vraiment remarquable. Est-ce dû au légendaire (et rude) tatami de l'Aïkikaï et son absence de rebond ?

On sent si je ne m'abuse ce que je vais humblement qualifier de la "patte dynanique de Yasuno" en filigrane. C'est un sentiment presque identique à mon ressenti pour l'ami Farid Si moussa mais là où Farid est plutôt félin, j'avais envie de totémiser Sebastien comme une sorte d'ours gentil qu'on ressent bien ancré dans le sol. Mon impression première à son contact fut celle ci les amis :

Je me sentais comme un imbécile essayant de déraciner une souche d'arbre à la main... Une souche que dis-je ? Un roc ! Une péninsule !

Presque le second effet kisscool Eric Marchand pour ne pas le citer.

Le stage se termina finalement par un mise à l'honneur de quatre pratiquantes très sympathiques (débutantes et confirmées) que Sebastien sollicita pour un Jyu Waza. Je ne pourrais vous dire s'il s'agit de ses élèves ou de simples visiteurs car je ne connaissais aucune d'entre elles mais j'ai trouvé que l'idée était originale.

Nous étions tous en rangs sur quatre colonnes et ces dames s'obligeaient à nous passer dessus toutes les techniques vues pendant le stage (et même quelques facéties).

Pour conclure sur cette aventure dans l'univers de Sebastien Heurteau, je dois préciser que j'avais déjà appris à respecter l'homme (car nous avions déjà eu la chance de nous rencontrer lors d'autres stages ou de déjeuners de groupe) et je dois dire que à présent que je n'en respecte que plus le professeur.

Je ne vais pas m'étaler sur tout le bien que je pense de lui mais je sais que nous nous reverrons de toute façon pour un petit supplément d'âme ou pas pur plaisir de l'écouter nous raconter sa construction qui, encore une fois, sort de l'ordinaire.

Et tout ceci à très peu de distance de mon propre foyer...huuum....je sens que je n'ai pas fini de faire l'école buisonnière et que je vais encore me faire engueuler...

Source : Takuya Nakamura

Rédigé par Aïki-Kohaï

Publié dans #Pratique de l'Aïkido

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F
Salut Kohaï !<br /> Bel article et un merci spécial au passage pour les gentils propos à mon égard. Un félin contre un ours, bon sang !<br /> Bien à toi et au plaisir,<br /> Farid
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A
Salut Farid,<br /> <br /> Merci pour ton commentaire. J'espère qu'on va se revoir en début 2016 !<br /> <br /> Bien à toi,<br /> <br /> Pierre.
S
" et loin de moi l'idée de votre serviteur de ce plaindre d'une telle foison d'offres alléchantes."<br /> se plaindre<br /> <br /> " parfois proposés par des instrucions basiques comme"<br /> instructions<br /> <br /> "Sebastien est extrèmement attentif à nous voir échanger sur ces exercices en gardant une échange de qualité"<br /> un échange<br /> <br /> "Si la somme des techniques proprosées n'est pas impressionnante"<br /> proposées<br /> <br /> Je voyais souvent ce terme "Sokumen Iriminage", après recherche sur internet, j'ai découvert que c'est la technique que le style que je pratique nomme "Genkei Kokyunage". Un nom différent pour la même chose.<br /> <br /> Un article intéressant, comme toujours :-)<br /> <br /> Bonne journée.
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A
Aaaah S.<br /> <br /> Que ferais-je sans toi ! Merci pour ces corrections à appliquer immédiatement dans une mise à jour.<br /> <br /> Pierre.