En route vers le shodan | Chronique n°3 : La saveur de la victoire sur soi !

Publié le 15 Juillet 2022

Photographie : Georges Viaud

Photographie : Georges Viaud

En 2022, j'ai décidé de vous proposer un journal de bord que je ne trouve pas ailleurs. Il s'agit de mon retour d'expérience en tant que débutant à propos de mon parcours atypique vers la ceinture noire. Je le répète : il s'agit de mon expérience personnelle et non pas d'une vérité absolue. Je ne cherche pas à évaluer vos difficultés mais bien à vous inspirer des solutions, de la motivation et vous faire comprendre comment les choses sont vécues à chaud puis à froid dans l'esprit d'un élève. Merci de votre compréhension.

 

A la naissance de mon fils, mon shodan me semblait un palier incroyable à franchir. Une immense muraille entre moi et les pratiquants confirmés dont je m'excluais sans m'en apercevoir. Eté 2022, j'ai pourtant réussi cet examen avec les félicitations de mon jury et de mes professeurs au début de l'été.

Contrairement à la chronique précédente, il ne s'agit pas là de me poser trop de questions. Il ne s'agit pas non plus de me couvrir d'éloges mais bien d'analyser objectivement les éléments que j'ai pu mettre en place afin d'obtenir ce que je voulais et d'atteindre complètement mes objectifs.

Dans cette troisième chronique, nous allons donc aborder les éléments concrets de cette victoire sur soi sans rien omettre afin que les débutants puissent comprendre qu'il s'agit là d'un tout et non d'un coup de chance. Nous avons parlé des nécessités préalables de l'auto-évaluation, du besoin impératif de recevoir des corrections, des retours et des ajustements de la part de vos professeurs.

Nous avons déjà évoqué l'utilisation des outils de la préparation mentale que j'ai utilisé dans la seconde partie de la préparation, à savoir la fixation d'objectifs clairement définis. En m'obligeant à schématiser par étape ma progression j'ai trouvé cette méthode grandement efficace pour franchir les paliers dont j'avais besoin.

Je vous annonce cependant tout net que la motivation et ces outils ne sont rien sans travail. Et que le travail n'est rien sans la condition mentale et physique qui vont avec.

Dès la fin de ma préparation, il était en effet nécessaire non pas d'arriver à atteindre mes objectifs déjà clairement définis, mais surtout de conserver un rythme bien précis, avec des routines.

J'ai donc programmé pour l'esprit des routines de fonctionnement à chaque session d'entrainement. Avant et après. Des routines nécessaires à ma concentration qui m'a fait grandement défaut au début de ma préparation vers le Shodan, puis des routines liées au stress que je savais intense vers la fin.

J'ai également programmé jusqu'à l'examen des exercices d'étirements réguliers, des sessions purement sportives mais aussi un suivi par mon ostéopathe.

 

La concentration du kohaï (Photographie : Georges Viaud)

 

Le plus difficile n'a pas été de mettre en place ces routines, mais ensuite d'accepter tout simplement le changement de pratique qu'elles induisaient.

Tout d'abord coté mental : l'entrainement reste toujours un plaisir mais une prise de distance s'installe que je n'avais pas compris lorsque j'étais moi même débutant et que je regardais des gradés se préparer. C'est vrai qu'en se préparant mentalement et en plongeant dans sa propre concentration, on devient plus distant avec le partenaire de pratique. Les rapports changent, évoluent et ils peuvent passer pour de l'arrogance ou mépris alors qu'en réalité, chaque occasion de pratiquer devient pour nous l'examen. L'œil de nos enseignants change aussi pour les mêmes raisons et il est plus centré sur vous ce qui peut parfois dérouter.

Coté physique ensuite : j'ai constaté qu'une distance s'installait entre la pratique plaisir de mes partenaires et la mienne. Il est vrai que beaucoup de pratiquants d'Aïkido ne possèdent pas de capacités athlétiques que beaucoup espèrent compenser par la technique. D'autres viennent uniquement pour le bien être de l'Aïkido sans vouloir y ajouter plus. Je pense que c'est une erreur. J'ai pu constater que la technique est d'autant plus affutée (et l'esprit plus clair) que nous sommes dans une forme physique correcte. Pendant mon passage de grade, j'ai également constaté que beaucoup de candidats manquaient d'air, perdaient le rythme en même temps que leurs souffles. Le corps s'effondrait et avec lui, toute la préparation mentale qu'ils avaient pu mettre en place.

L'alliance du mental et du physique pour cet examen lié à un art martial m'a permis de régler ensuite ce qui m'a toujours posé problème (et je sais que nous sommes nombreux) : l'étiquette.

J'ai réellement compris ses bienfaits sur le chemin de la route vers le Shodan, ne sachant comment j'avais pu passer à coté avant. C'est l'attitude globale du pratiquant en action qui donne certes, une idée de sa pratique bien avant la technique. C'est toutefois l'étiquette qui va amener l'intensité de pratique et faire la différence entre un pratiquant et un artiste martial en devenir.

Certains candidats de mon groupe (le passage de grade se fait par poule de plusieurs candidats) m'ont confié par la suite avoir eu envie d'applaudir et de se lever lors de mon passage et notamment au moment des koshi nage. Cette remarque élogieuse m'a beaucoup gêné. Mon mouvement n'avait rien d'exceptionnel techniquement mais je pense y avoir mis tout mon cœur, avoir travaillé assez mon attitude et cette question d'étiquette pour qu'un spectateur l'ait vu. Pour la première fois qu'un jury ET un public examinaient sérieusement mon Aïkido, je voulais effectivement leur donner ce que j'avais compris de l'étiquette à savoir un Shisei correct mais intense dans un habit souriant et détendu (même si la détente était en apparence). 

En réalisant moi même que cela donnait parfois l'impression que les mouvements étaient faciles à réaliser, j'ai compris pourquoi lorsque nous observons nos professeurs tout à l'air si simple. C'est l'étiquette qu'ils respectent pour ne pas vous montrer les coulisses d'un tel travail sur eux qui fait tout. L'Aïkido à l'air beau et fluide non pas parce que le mouvement est forcément correct mais parce que l'étiquette qui l'encadre est parfaitement respectée.

C'est aussi pour cela qu'en démonstration, certaines petites erreurs peuvent demeurer invisibles pour des regards non exercés et qu'un mouvement inhabituel peut sembler quelque chose d'innovant et crédible. Dans cet exemple là encore, c'est la musique du mouvement, la partition globale du morceau comme peut l'évoquer un musicien qui va donner le ton à l'ensemble.

Il n'y a donc pas de secret dans ma préparation. Je suis parvenu comme beaucoup à obtenir ma ceinture noire (bien tardivement par comparaison à d'autres) en y engageant mon temps, mon sérieux, mon travail, l'ensemble des outils à ma disposition et le regard de mes trois professeurs référents à savoir : Hélène Doué, Alma Noubel et René Clabaut.

Tout avait l'air simple et facile mais je n'ai rien obtenu facilement, à fortiori dans les conditions exceptionnelles qui sont les miennes en tant que père aidant d'un enfant lourdement handicapé. Je n'ai pas l'impression d'avoir réalisé quelque chose de spécial mais j'ai montré que, même pour quelqu'un dont la jeunesse est bien entamée et dont la situation professionnelle ou parentale est complexe, l'exercice est tout à fait possible.

Alors que neuf ans plus tard (dont deux années Covid où j'étais déjà prêt à franchir le rubicon), je me tiens désormais sur le début du chemin (car oui je le répète, le Shodan n'est que le début du parcours et vous avez compris que je m'estime toujours débutant), je comprends désormais bien mieux l'adage JaponaisMasakatsu Agatsu signifiant à juste titre en Français : "La vraie victoire est la victoire sur soi".

Les lauriers de la victoire sur soi (Photographie : Aïki-kohaï)

Les lauriers de la victoire sur soi (Photographie : Aïki-kohaï)

Rédigé par Aïki-Kohaï

Publié dans #Chroniques : En route vers le shodan, #Pratique de l'Aïkido

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