En route vers le shodan | Chronique n°2 : L'utilité de l'échec !

Publié le 7 Mars 2022

En route vers le shodan | Chronique n°2 : L'utilité de l'échec !
Photo de h4x0r3 sur Unsplash
En 2022, j'ai décidé de vous proposer un journal de bord que je ne trouve pas ailleurs. Il s'agit de mon retour d'expérience en tant que débutant à propos de mon parcours atypique vers la ceinture noire. Je le répète : il s'agit de mon expérience personnelle et non pas d'une vérité absolue. Je ne cherche pas à évaluer vos difficultés mais bien à vous inspirer des solutions, de la motivation et vous faire comprendre comment les choses sont vécues à chaud puis à froid dans l'esprit d'un élève. Merci de votre compréhension.

 

Il y a deux ans, mon shodan me semblait une sorte formalité harassante. Printemps 2022, rien n'est moins sur et je ne m'en cache pas. Le travail continue et avec lui, son lot d'espoirs, de victoires, de défaites et d'apprentissages indispensables.

Il ne s'agit pas de me trouver des excuses mais bien justement ici de visibiliser les difficultés que l'inconscient cache ou peine à admettre. Certains sont régulièrement manipulés par leur égo ce n'est pas mon cas. Je suis plutôt un cérébral, un taiseux quant à mes émotions profondes, un grand dépendant de l'écriture pour établir le bon diagnostic et aller de l'avant.

Dans ce cas de figure, je souhaitais aborder avec vous dans cette seconde chronique l'utilité de l'échec. Dès le début de la saison, il était nécessaire de passer par les étapes de l'auto-évaluation. Lorsque vient ensuite des périodes intermédiaires entre l'hiver et le printemps c'est justement le moment du contrôle. Tout n'est pas forcément bon et on se met alors à douter.

Suis-je désormais capable de corriger ce qui me fait défaut depuis le début de saison ?

Est-ce que je commence à entrer dans le costume du candidat à l'examen pour un passage de grade ?

Est-ce que j'adopte la bonne attitude et est-ce que j'ai progressé d'un point de vu global ?

A cette étape, je me suis à nouveau senti obligé d'évaluer scrupuleusement ma motivation par le biais des techniques de préparation mentale que j'ai apprise lors de ma certification. Cela peut vous paraître totalement ridicule mais j'avais besoin d'évaluer concrètement ce que j'avais en tête. J'ai eu également besoin impérativement de me remettre en question.

J'ai évalué chaque élément de ma motivation sur une feuille. De 1 à 10. A cet outil de préparation bien connu, j'y ai ajouté d'autres éléments de mon cru. Un questionnaire sur mesure que j'utilise pour évaluer plus finement les rouages autour de la motivation d'élèves ou de proches.

Je possède une série de question en ce sens et je vous invite à vous en poser vous aussi.

J'insiste particulièrement sur les échecs et leur contexte. Ils sont la pierre angulaire de ma préparation.

Combien d'échecs ai-je évalué sur mes dernières séances ? Est-ce les mêmes que ceux pointés par mes enseignants ? Pourquoi est-ce que cet item est un échec ? Comment cet échec est il perceptible par les autres ?

C'est donc à travers non pas de mes réussites mais bien de mes erreurs que j'ai trouvé les plus grands enseignements. Je vous cite quelques exemples :

-Me filmer m'a permis de corriger certaines mauvaises habitudes mais l'outil vidéo n'est pas suffisant pour changer un état d'esprit. Je l'ai analysé strictement et sans concession. C'est en prenant conscience très durement qu'il fallait me regarder parce que les autres me regardent aussi hors du tatami que j'ai appris. Si je n'affrontais pas ma propre image, comment pouvais-je avoir la bonne attitude.

-J'ai pris l'habitude de lister tout ce que je souhaitais produire proprement sur un tapis. Non pas pour robotiser ma pratique mais au contraire pour me débarrasser en quelque sorte d'un énorme problème que tous les pratiquants affrontent souvent lors des passages de grades : l'araignée au plafond En effet, je suis souvent déconcentré de l'action par mes réflexions sur les mouvements effectuées. Pour établir un silence intérieur, j'expurge donc ces réflexions avant ou après la pratique. Par la visualisation de cet échec, j'ai donc pu acquérir plus de concentration. Je demande également régulièrement à mes enseignants et mes partenaires de me déconcentrer volontairement.

J'ai tiré cet appui supplémentaire dans ma préparation de quelques spécialistes comme Tal Ben-Shahar, professeur de psychologie à Harvard dont la maxime est "Pour améliorer son taux de réussite, il faut d'abord doubler son taux d'échec" qui se traduit pour les arts martiaux Japonais par " 七 転び、八起き – nana korobi ya oki"  signifiant tombe sept fois, relève toi huit fois.

Apprendre à échouer c'est aussi visualiser d'importantes nuances. Celle d'apprendre à ne pas s'identifier à l'échec mais bien à identifier l'échec comme une composante d'un contexte. Dans l'idéal des arts martiaux, l'échec n'est pas acceptable car il est censé signifier la mort dans ses situations de survie et l'humiliation ou la défaite dans un contexte de performance sportive. Il est donc très difficile d'aller contre les réflexes d'ataviques de protection de son propre égo contre ces échecs. Nous allons naturellement vouloir les éviter, nous en protéger parfois en refusant tout obstacle.

A l'inverse, d'autres vont souffrir du syndrome de l'échec et se placer eux-mêmes dans des situations où celui-ci va survenir sans pouvoir sortir de cette boucle inconsciente.

Il n'y a donc pas de recette miracle. Pour comprendre vos échecs et pour les dépasser il faut les répéter comme une litanie jusqu'à ce que l'échec devienne sans importance au point où il s'efface naturellement. A un degré suffisant où, à nos propres yeux, il ne représente plus un problème et s'évanoui. Cet exercice est très difficile si le regard des autres est plus important pour vous que le regard que vous portez sur vous-même.

En observant mon propre fils handicapé échouer à s'habiller, à manger où à socialiser simplement avec ses petits camarades, lorsque j'ai compris qu'il se moquait totalement d'échouer ou des mauvais regards qu'on portait parfois sur lui, je me suis immédiatement senti en empathie ou en colère pour lui. Pourtant, j'ai également compris qu'à son jeune âge, tomber, se faire repousser ou même vomir son repas devant les autres n'avait aucune espèce d'importance si l'expérience à l'instant T avait pu être source d'enseignement, d'intérêt et/ou d'amusement. Mon fils se moquait totalement du contexte si l'apprentissage avait pu au moins satisfaire sa curiosité et s'il était parvenu du point A au point B qu'il s'était fixé, même si ce trajet était très limité. Dans son regard extraordinaire d'enfant en bas-âge hospitalisé au quotidien, je ne percevais aucune espèce de honte dans son regard. Je ne mesurais aucune espèce de regret ou d'amertume. Je ne visualisais aucun mal être. Mon fils vivait ses échecs comme on vit l'instant. Une fois passé ceux-ci n'étaient plus importants car son environnement était sans cesse une source de nouveaux défis.

Fort d'avoir vu régulièrement mon fils dans cet état à l'hôpital, je continue d'essayer de l'imiter en temporisant les échecs. En leur accordant une valeur suffisante pour un regard d'adulte mais en demeurant dans un recul suffisant comme seuls en sont capables les jeunes enfants.

 

Ensemble, on apprend à mieux se relever

 

Rédigé par Aïki-Kohaï

Publié dans #Chroniques : En route vers le shodan, #Pratique de l'Aïkido

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