En route vers le shodan | Chronique n°1 : Suis-je prêt ?

Publié le 19 Janvier 2022

En route vers le shodan | Chronique n°1 : Suis-je prêt ?
En 2022, j'ai décidé de vous proposer un journal de bord que je ne trouve pas ailleurs. Il s'agit de mon retour d'expérience en tant que débutant à propos de mon parcours atypique vers la ceinture noire. Je le répète : il s'agit de mon expérience personnelle et non pas d'une vérité absolue. Je ne cherche pas à évaluer vos difficultés mais bien à vous inspirer des solutions, de la motivation et vous faire comprendre comment les choses sont vécues à chaud puis à froid dans l'esprit d'un élève. Merci de votre compréhension.

 

Printemps 2020, mon shodan était une sorte d'évidence. Il était question de me confronter à des passages blancs, il était certain que la cadence allait s'accélérer. Il n'y avait pas de doute dans mon esprit qu'après environ 8 ans de travail, il était temps de sauter le pas. Hiver 2022, tout semble à refaire. J'ai perdu énormément de temps pour travailler, j'ai été blessé, j'ai dû repousser mon entrainement trop souvent pour des raisons qui s'imposaient à moi.

Le feu doit repartir. Et la quête recommencer.

Je suis un kohaï qui depuis 2014 tente d'être utile. Je me considère aujourd'hui toujours comme un débutant pour différentes raisons déjà évoquées. Tout d'abord parce que je n'ai aucune prétention sur mes capacités, ensuite parce compte tenu de mes difficultés personnelles (et principalement le handicap lourd de mon fils) j'ai à présent très peu de temps à engager dans l'entrainement, enfin parce qu'un 1er kyu et au delà, un détenteur du shodan n'est qu'au départ de son périple.

Je n'ai jamais considéré cette situation comme honteuse. Je suis même souvent embarrassé quand on m'appelle aïki-sempaï où lorsque je dois aider pour un cours ou présenter une technique face à un groupe moins expérimentés que moi. 

Je considère donc que l'envie de devenir moi aussi, détenteur de la ceinture noire, s'est fait petit à petit. Je me suis dit : pourquoi pas moi ? Je me suis également murmuré : essayons.  A travers les yeux de mes pairs qui remarquaient mon envie de transmettre, j'ai compris que cette étape était obligatoire.

La première question que n'importe quel élève qui est 1ier kyu depuis longtemps et investit dans sa discipline peut se poser dans ces conditions c'est : suis-je prêt à passer un examen pour ma ceinture noire ?

En effet, la France est sans doute le seul pays que je connaisse (et peut être d'ailleurs le seul pays au monde) à délivrer des grades d'état dans le cadre d'un examen à la fois martial, sportif et administratif. Sur notre sol, seul celui qui détient un grade validé par la Commission Spécialisée des grades et dan équivalents (C.S.D.G.E) est autorisé par l'état à s'en prévaloir. Que cette situation de fait soit juste ou absurde, c'est un fait qui oblige la plupart des pratiquants. Cette spécificité fait qu'un élève pratiquant dans un dojo avec son enseignant se trouve obligé de se confronter à la vie fédérale, son organisation, ses travers, ses enjeux et doit intégrer à la fois les conditions réelles d'un passage de grade fédéral et ses travers.

Vous devez passer des "stages validants". Vous êtes jugé par un jury qui ne va pas vous connaître sur des critères d'examen. Vous travaillez avec des inconnus. Vous devez produire ce qui est prévu par une nomenclature précise et montrez que vous avez compris ce qu'on attend de vous plutôt que votre potentiel. Vos devez respecter les étapes imposées dans une technique et montrer ces étapes autant que l'exécution de votre Aïkido.

Un futur aspirant au shodan doit donc s'interroger sur tout cela avant tout.

Suis-je prêt à aller dans des stages validants et à rentrer dans un moule qui n'est pas toujours fait pour moi ? Suis-je prêt à recevoir des jugements de valeur très concrets sur ma pratique par des gens qui ne me connaissent pas ? Suis-je en capacité d'accepter le regard de l'autre ? Suis-je prêt à me conformer à un cadre particulier qui, peut être, sera difficile à intégrer ?

Ces premières questions sont sans doute les plus difficiles parce que elles imposent d'être préparé à subir des choses que le confort de votre dojo ne produira sans doute pas.

De mon coté, j'ai vécu cette première étape comme salutaire pour l'égo. J'ai choisi volontairement de m'entrainer dans 2 autres dojos différents du mien pour me préparer à recevoir ces retours. Je me suis inscrit à l'école des cadres pour affronter le regard de l'autre. Je ne me croyais déjà pas bon mais j'ai appris à identifier pourquoi. J'ai également appris à comprendre ce que j'étais capable de faire correctement et de l'assumer. Tout cela prend du temps.

Dans la question "suis-je prêt ?" va s'inscrire également cette acceptation.

Je dois véritablement accepter à la fois que des pratiquants détestent "mon Aïkido", me juge nul, et accepter de ne regarder ces critiques que sous un prisme positif. Une façon de s'améliorer. Peut être qu'en débutant ma préparation, en corrigeant mes défauts, en travaillant, mes détracteurs les plus hostiles finiront par respecter non pas ma pratique mais le travail et l'abnégation que j'y attache. Sans garantie.

Lorsque vous aurez trouvé une réponse finale à ces questionnements, si vos réponses amènent enfin votre conscience à franchir le pas. Alors doit débuter la préparation.

Il faut choisir avec qui. Est-ce que votre enseignant principal peut vous présenter à l'examen. Avez-vous le temps et l'énergie suffisante ? Avez-vous un planning ? Comment est structurée votre route ?

J'ai choisis pour ma part d'utiliser l'outil de fixation des objectifs de ma formation en préparation mentale. Je me suis évalué moi même et j'ai coordonné avec certains de mes enseignants des objectifs de court terme, de moyen terme et de long terme avec des étapes indispensables à passer. Pour le moment, je ne me concentre donc pas sur le but final mais sur les détails de la construction à venir.

J'ai une sorte de carte mentale de la route à suivre et j'invite chacune et chacun d'entre vous à la tracer avec des personnes de confiance. Dans les réponses à la question "suis-je prêt" doivent se trouver aussi des personnes ressources avec qui surmonter les obstacles qui vont arriver.

Je me suis obligé à travailler uniquement les formes attendues avec ces personnes. Je me suis forcé à n'intégrer principalement que leurs retours et non pas les commentaires parasites (même s'ils sont utiles). J'essaie d'être le plus rigoureux sans être un tortionnaire avec moi même.

Chaque préparatif nécessite de considérer avec raison ses forces mais aussi ses faiblesses. Je ne peux pas vraiment dire si ma méthode sera gagnante puisque je partage avec vous mes impressions en temps réel. Si j'échoue à l'examen, je me servirais de cet échec pour préparer au mieux l'essai suivant. Si je parviens à mon objectif, je m'en servirais pour mieux avancer vers l'étape suivante au rythme qui me convient.

Dans la question "suis-je prêt" existe également une promesse que tous les pratiquants d'arts martiaux qui souhaitent le shodan doivent se faire à eux même : Celle de ne pas regretter quelque soit le résultat une fois arrivé à destination.

Alors en avant !

 

Oui, ma ceinture est marron (mais ne semble t'elle pas presque identique à certains de mes pairs ?)

 

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