Choisir votre dojo d’aïkido quand on est un gentil débutant

Publié le 30 Avril 2014

Bien des pratiquants commentent leur pratique et leurs capacités sans pour autant s’attacher à l’essentiel : le dojo (le lieu où l’on étudiera le DO : la voie.). Et sur le petit nombre commentant le dojo sur le net ou dans les revues spécialisées, la plupart s’accordent à dire : « seul le choix d’un professeur importe vraiment ». Il s’agit à mon sens d’une réflexion de pratiquants expérimentés et non de débutants et elle ne répond pas du tout aux attentes et aux questions du novice qui lui, à besoin au départ qu’on le rassure sur les aspects triviaux et inutiles que beaucoup de gradés vont négliger et juger secondaire parce qu’ils sont déjà engagés profondément dans la discipline.

Si bien évidemment il ne faut pas forcément toujours s’arrêter au trivial, à l’inutile, au matériel et au non intéressant, je trouve pour ma part qu’il est important tout de même d’y faire étape pour de bon de façon régulière afin de pouvoir ensuite avancer sur des aspects plus essentiels. Enumérons ensemble ces aspects jugés « inutiles » dans ce petit article :

 

  

Le 1ier étage du Korindo (source : Goryu.fr, merci pour cette magnifique photo que je cherchais depuis longtemps) : Un espace idéal pour la pratique des arts martiaux en toute intimité (mais sans taper au sol !).

 

-La proximité et les horaires : Tout ceci n’a l’air de rien mais il est très difficile dans un monde qui va à deux cent à l’heure de trouver des lieux et des horaires compatibles avec une pratique harmonieuse et respectueuse de notre intégrité physique et mentale. Si vous êtes un jeune débutant, vous pensez sans doute que vous pouvez pratiquer n’importe où, n’importe quand et dans n’importe quelle condition n’est ce pas ? Et bien c’est une erreur qui amène douleur, blessure, fatigue, stresse et incompréhension (d’où découle une mauvaise pratique en général).

Il est important ainsi de trouver un dojo où vous pourrez vous rendre sérieusement (je veux dire par là de façon régulière et à des horaires bien déterminés) et donc qui soit sur votre chemin habituel. Si vous n’avez pas le choix (province, peu de dojos dispos, votre bled est ravitaillé par les corbeaux etc…), soyez pragmatique et n’allez pas vous offrir 3h de transports quotidien pour aller chez LE maître qui va bien (vous seriez surpris du nombre de petits clubs avec des maîtres moins médiatisés qui sont d’un excellent niveau).

Beaucoup de débutants axent leur recherche de Dojo en se fondant souvent uniquement sur l’avis des vétérans et vendent donc leurs organes pour se payer une licence chez un haut gradé dans un endroit très éloigné de chez eux et rendant donc les conditions de leur pratique très difficile pour une plus-value proche souvent de zéro. Ils disposent en effet très souvent d’un club local tout à fait bien proche de chez eux.

Mon conseil de débutant à débutant : Prenez d’abord un dojo local où vous vous sentez bien et complétez par des stages (privés, fédéraux peu importe) que ne manquerons pas de donner les fameux experts plutôt que d’exploser votre budget transport et adhésion et de vous retrouver à 20h30 à courir pour avoir un cours (exténuant au départ) alors que vous avez déjà votre journée dans les pattes. Vous vous épargnerez bien des frustrations et des traumatismes physiques. Ne l’oublions pas, notre quotidien use aussi nos capacités et nos articulations selon les tâches quotidiennes que vous avez à effectuer.

De même, cela peut être une évidence pour certains, mais je pense qu’il faut privilégier les horaires moins chargés ou le week-end si vous en avez la possibilité plutôt que les horaires tardifs (et pour ceux qui n’ont pas le choix évidemment, n’enchainez pas les cours tardifs si vous avez déjà des horaires crevants ou bien adaptez alors votre pratique à votre fatigue en pratiquant plus gentiment à ces périodes). Toutes ces mises en garde paraissent totalement ridicules hein ? Pour ma part et à mon humble avis, je pense qu’il suffit de comparer l’état physique d’un pratiquant qui suit et ne suit pas ces précautions au fil du temps pour se faire une idée. L’aïkido n’est pas censé vous transformer en petits vieux à 30 ans…

-Professeurs multiples ou unique ? : Autre question importante et créatrice de clivage. L’aïkido traditionnel va toujours privilégier LE professeur, le vrai l’unique (et l’on sait que le vétéran aime le traditionnel) à l’équipe pédagogique (façon « éducation nationale»). Même ceux qui crachent sur l’enseignement façon Aïkikaï et sont droits dans leurs bottes sur ce point pourront constater que le Hombu Dojo (Dojo de l’Aïkikaï à Tokyo, cf : mon article sur le petit monde l’aïkido) emploie une équipe de professeur et non un seul. Même à la fin de la vie d’O-Senseï, lui-même ne dispensait pas tous les cours de l’Aïkikaï (certaines sources crédibles diraient même qu’il n’enseignait souvent aucun cours et venait pour parler uniquement de l’esprit de l’Aïkido et de ses principes philosophiques).

O-senseï donnait la plupart des créneaux horaires à son fils et ses disciples capables de dispenser des cours. A son époque et aujourd’hui encore au Hombu Dojo, les étudiants sont libres d’aller à ces différents cours afin d’appréhender la pratique de tels ou tels professeurs et d’expérimenter l’aïkido d’un tel ou un tel (en fonction de leur niveau bien sur). Pourquoi alors en choisissant notre dojo devrions nous nous contenter ailleurs d’un seul professeur et d’une seule pratique ?

Evidemment, certains puristes me répondraient que dans la jeunesse d’O-senseï ce dernier donnait lui-même son enseignement à quelques élèves seulement, que dans les dojos traditionnels où il y a un seul professeur, celui-ci est « mieux à même de connaître ses élèves » qu’une « grosse machine » où personne ne peut réellement dire qu’il partage le temps de tel ou tel expert de façon exclusive et donc se verrait dispenser un enseignement d’une qualité moins bonne etc etc...

Nous nous trouvons là encore une fois dans un autre clivage, l’enseignement individuel est il préférable à l’enseignement en collectif ? Voici mon conseil de débutant à débutant : Nous ne sommes pas dans le japon traditionnel (même si on aimerait parfois), vous ne connaissez pas le professeur (même s’il est célèbre) lorsque vous cherchez un dojo et rien ne vous dit que son enseignement vous conviendra où sa façon de faire. Ce lien que vous tisserez ou pas ne peut se faire dans l’instant et donc plutôt que de changer complètement de dojo comme de chemise en cours d’année le temps de trouver votre bonheur, mieux vaut là aussi se montrer pragmatique et privilégier l’équipe pédagogique la plus large et la plus organisée possible.

Cela vous permettra aussi de ne pas vous enfermer dans le style du professeur que vous aimez le plus (première étape qui mène à l’imitation). Il est aussi très important de conserver votre liberté d’élève et seul le fait de ne pas vous axer sur un seul professeur vous le permet (et cela ne vous empêche pas non plus d’aller un peu plus travailler avec LE professeur que vous adorez). Agir ainsi, ce n’est pas agir comme une stupide victime de la société de consommation mais vous mettre dans les conditions d’une ouverture d’esprit qui manque à beaucoup d’aïkidokas pensant dispenser la vérité de part leurs styles respectifs et leurs manières. Débutant, ne nous laissons pas capter par tel ou tel clivage ! Soyez libres de construire Votre aïkido. Et comment être libre si l’on se place dans une position où le choix n’existe pas ?

               

                   Dojo du Fondateur à Iwama (source : site Aïkido club Ywama Ryu de breuillet)

-Les installations du Dojo : On touche là au summum de la trivialité et je vois déjà certains vétérans qui osent venir lire le minuscule Kōhaï que je suis (dont la pratique et l’expérience est naine en comparaison) froncer leurs sourcils de samouraïs. Pourquoi s’intéresser aux douches ? Aux vestiaires ? A l’isolation ? A la dureté du tatami ? Oserais-je dire que je m’intéresse en tant que débutant à notre….confort (le mot interdit pour les budokas) ?

Et oui, j’ose tout !

Travailler sur un tatami d’une qualité merdique pendant 4 à 5 heures par semaines, ca bousille clairement le dos et les genoux. S’il est sale et mal entretenu, on peut se blesser ou choper des saloperies. Si le dojo est mal isolé, on crève de chaud dès qu’il y a un rayon de soleil et l’hiver on s’y gèle le keikogi. Mis à part le fait de fanfaronner qu’on bosse dans le dojo de l’enfer 2.0, qui a sérieusement envie de se péter un genou en réalisant une chute parce que la douleur permet l’apprentissage ? Moi en tout cas, j’ai déjà donné, merci bien. Mon conseil sera donc pour les débutants de choisir le dojo qui vous parait le plus propre et le mieux entretenu et équipé possible afin de prévenir tout désagrément et d’y travailler dans un meilleur état d’esprit. C’est exactement comme pour un individu, avez-vous envie d’échanger un bel irimi-nage au contact de l’aisselle d’un partenaire qui sent le renfermé ?

-Club fédéré ou pas ? : Tout le monde serait interchangeable dans un club fédéré il parait. Ce serait là une vision version Ex-URSS et « l’autorité supérieure » y interviendrait pour châtier le professeur impudent qui s’écarterait trop de la voie telle que tracée par notre Doshu. Les bases n’y seraient pas bonnes et l’on y ferait que répéter des techniques sans vraiment « comprendre »...

En tant que débutant disposant d’une expérience de pratiquant dans un club non fédéré et dans un club fédéré je peux aisément tordre le coup aux poncifs. On apprend très bien les bases dans un club fédéré (peut être même plus selon l’enseignant) et je connais de nombreux clubs dont l’équipe pédagogique est quasiment la même depuis de nombreuses années (ce qui n’est pas le cas dans le club non fédéré où je pratique).

En tant que débutant, ne nous laissons pas flouer par la subjectivité ou les rancunes de clochers entre fédérations, entre pratiquants qui sont déçus et sont heureux d’en être sortis et ceux qui sont contents d’y rester. Le débutant s’en fout. Ce qui lui importe c’est d’être bien dans son club, de pouvoir y progresser et d’être libre.

C’est ainsi que nous arrivons à la question cruciale. Si vous voulez progresser sans vous préoccuper des grades officiels (et c’est votre droit le plus strict) nul ne peut vous obliger à être dans un club fédéré et de ne pas revendiquer votre niveau dans ce dojo jusqu’au passage du premier DAN (et parfois au-delà car certaines écoles distribuent des Dans que réprouverait la loi Française et qu’on ne peut que juger sur pièce). En revanche, si vous souhaitez un parcours plus officiel et reconnu ailleurs, un parcours que certains peuvent qualifier de « scolaire », ou si vous espérez un jour enseigner en France par exemple mieux vaut dans ce cas choisir un club fédéré. Et si vous voulez passer un DAN « officiel », vous devez être dans un club fédéré. Est-ce nécessaire ? Non, c’est un choix personnel qui dépend entièrement de vous.

Je ne reviendrais pas sur la formation continue des enseignants facilitée dans la cadre d’une fédération par rapport à un club isolé qui dépend, à mon avis, plus globalement de l’investissement de ses professeurs (évidemment, il y a des bons profs et des mauvais dans et hors fédération). Je peux à la rigueur ajouter pour ceux qui pensent qu’une fédé c’est le mal que la fédé et son travail est reconnu par l’aïkikaï mais je ne peux plus rien faire pour ceux qui pensent aussi que l’aïkikaï c’est le mal et que leur école détient la vérité. Mon conseil sur ce point sera juste celui-ci : Le choix d’un club fédéré dépendra de votre pratique et de vos attentes. Choisissez le club qui convient ou ne choisissez pas et faites comme moi, prenez les deux en même temps.

-Le reste (les potes, l’ambiance, l’animation du dojo etc…) : La aussi, on termine sur du super trivial mais au fond, n’est ce pas le plus important ? L’une des règles fondatrices qui conduit la vie d’un dojo est celle de travailler dans la joie (et vous l'avez compris, c'est l'un des principes fondamentaux de ma recherche à titre personnel).

Alors comment être joyeux si vous bossez avec des gradés qui tirent la gueule dans une ambiance à couper au tanto ? Mieux vaut choisir avant tout un dojo où vous vous sentez bien quand vous êtes débutant. Peut être qu’après un an ou deux, vous souhaiterez partir pour chercher autre chose mais au départ, vous garderez une bonne impression de ce qui vous amena à l’aïkido et vous transmettrez du positif à votre entourage (hors et sur le tatami).

Nous ne sommes pas là pour nous prendre au sérieux. Nous ne sommes pas là pour voler la vedette à nos gradés dont la 256ième vidéos vient d’être diffusée sur le net ou le 20ième article compliqué vient d’être écrit. Au départ, nous sommes tous là pour la joie de la pratique. Ce qui implique évidement de la pratique mais qui ne peut pas aller sans des sourires et de la sympathie.

On peut enfin parler de l’animation du club qui reste pour moi très importante, si l’équipe enseignante est motivée elle peut prévoir aussi comme bonus des sessions d’entrainements particulières (dans le froid, le chaud, avec armes, sur tel ou tel thème, avec tel ou tel invité…) ou des événements et stages spéciaux (repas, séance photo ou cours techniques…) qui font « le petit plus » de tel ou tel club en dehors de la notoriété de son ou de ses  senseïs qui, non, je le répète, ne fait pas tout. Mon conseil sur ce point : choisissez l’endroit qui vous ressemble et qui vit sans pour autant se prendre la tête. Allez y avec vos amis (voire même de la famille ou en couple). Vous éviterez ainsi le syndrome du melon de beaucoup de gradés attrapent lorsque vous serez expérimentés et vous en tirerez là encore, l’esprit d’ouverture primordial à la pratique de cet art joyeux qu’est l’aïkido.

Peinture en Photo du Dojo Michigami (par Aïki-Kohaï)

Peinture en Photo du Dojo Michigami (par Aïki-Kohaï)

Rédigé par Aïki-Kohaï

Publié dans #Pratique de l'Aïkido

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S
Merci merci, <br /> <br /> en tant que débutante -ultra débutante même, (je n'en fais que depuis un an et sans aucun passé martial voir sportif ! ), ça fait plaisir d'entendre tout ça<br /> J'ai opté pour un club pas loin de la maison, mais cette année, aller à la deuxième séance du vendredi soir a été quasi impossible (trop de fatigue cumulée liée au fait de bosser loin de la dite maison!),<br /> pour l'année 2, j'ai envie de m'inscrire à deux clubs, l'un qui propose des cours débutants(sur le trajet maison/boulot) et celui de cette année car je trouve l'ambiance agréable :)<br /> <br /> merci pour tout<br /> <br /> Sarah
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A
Bonjour Sarah,<br /> <br /> Merci pour ces encouragements. Tout ce travail est principalement à destination des pratiquants qui débutent depuis peu ou presque (moi même attaquant ma troisième année, malgré un background martial assez dense). Vous trouverez également sur la page FB du Blog de nombreux liens sur d'autres sites accessibles pour vous aider à étoffer tout ça au fur et à mesure.<br /> <br /> Soyez indulgente envers vous même et profitez de tous les endroits où vous vous sentez bien. Si le cercle est vertueux vous aurez toujours l'envie de travailler dur et d'en savoir plus.<br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> Pierre (l'aïki-kohaï).
J
Merci Patrick. Je me posais justement la question et ce depuis un moment sachant que chacun cherche son chat et qu'il est parfois difficile de savoir ce que les debutants préferent ; au final ce que celui ci préférera sera différent de l'autre ; c'est pour ca que j'aime bien ton article " panoramique ". Merci
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A
De rien et avec plaisir.... mais minuscule détail...je m'appelle Pierre :-) (et j'ai quelques autres flopées de surnomes bizarroïdes mais Patrick n'est pas dans la liste).
P
Très bien ton approche du choix d'un DOJO observer l'ambiance ni la fete à &quot;neu neu&quot; ni se prendre le choux. <br /> Sportivement Pat( l'ours)
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A
Merci Pat ! Effectivement, dur dur de traiter ce sujet. Car évidemment, ces détails sont du domaine du trivial et je n'essaie pas de dire qu'il faut forcément privilégier le dojo le plus confortable ou le plus proche de sa maison ou bien celui où on fait la fête tout le temps (pas de méprise hein^^). Mon approche kohaï est juste de dédramatiser ces éléments de comparaison qui sont parfois &quot;tabous&quot; parce qu'en tant que kohaï on a l'impression d'être une feignasse si on dit qu'on aime tel ou tel endroit parce qu'il y a des douches propres etc... J'aime autant rappeler qu'un endroit où vous vous sentez bien est très important mais tout autant que l'enseignement qui est donné en ce lieu.