Humanité et précisions techniques : Compte-rendu de stage avec Micheline Vaillant Tissier shihan le dimanche 6 janvier 2019
Publié le 14 Janvier 2019
Pour ma sixième année sur les tatamis, j'ai débuté la saison 2019 en restant fidèle à l'un de mes principes directeurs : mettre en avant la pratique féminine de l'Aïkido chaque fois que cela est possible. Alors que nous terminions 2018 sur un compte-rendu de stage d'Hélène Doué, je vous propose donc de (re)découvrir la pratique du "porte-drapeau" de l'Aïkido au féminin à travers mes yeux de débutant : il s'agit bien entendu de Micheline Vaillant Tissier shihan.
Chose étrange, si j'ai beaucoup entendu parler de Micheline au fil des ans, c'est la première fois que je passais entre ses mains d'experte. Cela n'est pas étonnant dans la mesure où j'ai pu constater qu'il s'agissait de la plus médiatique de nos féminines (à égalité avec Yoko Okamoto senseï). De nombreuses pointures, bien plus qualifiées que moi, ne manquent pas de vous proposer d'aller à sa rencontre sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter dans mes propres colonnes.
Je n'étais d'ailleurs pas certain d'avoir quelque chose à écrire de plus. Persuadé que tout avait déjà été dit, je n'étais pas sûr non plus de m'y retrouver moi-même.
J'ai donc abordé ce stage Putéolien avec le cœur et une certaine sérénité, bien décidé à en profiter sans qu'il soit nécessaire de me charger d'analyses et de réflexions que d'autres peuvent avoir déjà relevées bien avant. Au départ, il n'était pas forcément question non plus d'en faire un billet complet. Toutefois, après trois heures de belles ambiances, de propositions techniques et d'un travail assez intensif, force est de constater que j'ai du revoir totalement mes positions sur l'ensemble.
Je me suis finalement rendu-compte que tout ce que je savais de ce senseï ne lui rendait pas entièrement justice. Pour ceux qui veulent se pencher sur ses débuts et sur un parcours technique plus détaillé de Micheline, je vous propose plutôt de compulser cette interview car ici, nous allons aborder d'autres facettes.

Le contenu du stage :
Un adage se retrouve souvent dans les propos de Micheline Vaillant Tissier, celui "d'être heureux dans la pratique". Cette phrase résume parfaitement bien l'ambiance amicale qui régnait dans le dojo de Puteaux juste après les fêtes de fin d'année.
Une soixantaine de pratiquants étaient donc réunis sous la férule d'un chef d'orchestre à la fois très exigeant mais également sensible à nous proposer quelque chose d'humain et d'accessible pour faire fondre le surplus de saumon fumé. Le fil rouge du stage était, je le crois, décoder les principaux sacerdoces techniques de notre école et à notre niveau.
Pas le temps donc de s'acharner sur tel ou tel exercice, nous avons pu enchaîner sur de belles propositions, principalement en ushiro katate dori ou en katate ryote dori, afin de décoder ensemble certains caps et quelques écueils récurrents en Aïkido.
Comment expliquer la technique pour mieux la comprendre résumait également bien les heures intenses du stage. Micheline proposait à la fois une révision complète des fondamentaux tout en superposant des mouvements d'un niveau plus avancé aux participants venus (parfois) de loin.
Mention spéciale aux nombreuses techniques assez fermes sur des saisies du col, en kubishime, souvent très redoutées des pratiquantes et des pratiquants. Micheline ne donne pas dans le spectaculaire, dans l'explosif ou le sensationnel, mais on sent assurément une pression minutieuse, un contact pointu. J'ai retrouvé un peu de cette "horlogerie Okamotesque ou Guillemine" qui fait plaisir à voir.
J'ai énormément apprécié la capacité du senseï à "encadrer" un partenaire, à le contraindre, à l'englober, puis à lui imposer son rythme avec une tranquillité non feinte et dans une désarmante douceur. Habitué désormais à recevoir des gabarits plus imposants et des contraintes difficiles, c'est un vrai plaisir de subir un travail extrêmement précis, d'une grande clarté, mais sans douleur inutile.
A observer certaines images du travail de Micheline, je dois l'avouer, je m'étais bizarrement imaginé autre chose. Peut être une sensation terrible de dureté alors que la rigueur de notre senseï du jour est tout en délicatesse. Cette façon d'exprimer l'Aïkido et ses principes est aussi novatrice pour la majorité des pratiquants et des enseignants. J'ai beaucoup aimé le fait que notre senseï du jour présente aussi les déplacements sous un angle différent de tous les autres professeurs que je connais.
Quelque chose qui parle à un jeune papa.
Par exemple, Micheline proposait aux pratiquants d'imaginer en réalisant irimi tenkan ou irimi tenkan henka qu'ils portaient tous un bébé dans les bras ou quelque chose de très fragile. Cette image, qu'elle tient en écho d'un certain Christian, peut faire sourire mais elle améliora grandement mon attitude et celle de mes comparses sur le tapis. J'avoue ne pas avoir trouvé à ce jour d'image plus juste pour symboliser toute la rigueur extrême du shisei ( 姿勢 qu'on traduit régulièrement par la posture ou l'attitude) mais également la bienveillance et la douceur que ce principe nécessite.

Surplus d'humanité :
Au-delà de la technique pure et d'une belle pédagogie appliquée, je vous conseille de (re)découvrir Micheline parce qu'elle pratique un Aïkido à visage humain. Il ne s'agit pas ici de glorifier la puissance de son travail, la clarté de ses repères ou une certaine capacité de démonstration mais bien une personnalité généreuse, simple et sans esbroufe. Je regrette souvent que l'Aïkido soit parfois un défilé de paon ou de buffles. A travers les mots de Micheline et son travail, dans ses propositions, j'ai trouvé simplement l'envie de pratiquer et d'apprécier la pratique pour la pratique.
Ce dernier point est fondamental pour moi à l'heure où je rédige ces lignes. Et il fait du bien !
Le stage d'Aïkido est un télescopage de trajectoire. Il y a ceux qui espèrent l'excellence pour eux-mêmes, il y a ceux qui cherchent à voir ou bien à être vu et il y a ceux qui cherchent tout simplement. Je me situe très probablement dans ce dernier échantillon dans la mesure où je ne sais jamais quoi trouver au hasard de mes pérégrinations.
En revanche, prendre du plaisir est indispensable à ma recherche et très probablement à la vôtre ami(e)s lectrices et lecteurs. Savoir minutieusement goûter à une ambiance, prendre le pouls d'un instant, regretter ou valider ses propres choix, s'arrêter et revenir en arrière d'un cheminement martial. Sans plaisir, avec une once d'humour et de simplicité, le reste devient vide de sens.
Je souhaite donc remercier les organisateurs sur place, certains participants (Pascal Durchon, Alice Feneyrols, mes partenaires de dojo, quelques inconnus qui vont peut être se trouver ici etc...) et Micheline Vaillant Tissier pour avoir su savamment diffuser cet aspect insaisissable de notre Aïkido qu'est la joie.
A n'en pas douter, je retournerais à son contact en Ile-de-France ou ailleurs. C'est également ce que je vous souhaite à toutes et tous pour 2019.
La pratique simple et belle au bénéfice de la joie d'un instant. Savoir l'apprécier au-delà des considérations politiques, des grades, des besoins et des envies. Savoir le garder et le partager à tous et toutes pour que cette année soit meilleure que les précédentes.
Ajoutons à cela une bonne santé. Ce sera déjà beaucoup.