Fantasmes, clichés et arts martiaux

Publié le 26 Janvier 2015

Une photo de famille des clichés dans les arts martiaux

Une photo de famille des clichés dans les arts martiaux

Ce petit défi Kohaï informel, proposé par deux amies que je salue bien, était au départ quelque chose que je voulais délibérément aborder sur le terrain de l'humour. En effet, tout le monde connaît bien les quelques poncifs et idées reçues du monde des arts martiaux et je ne suis évidemment pas le premier à les exploiter pour m'en amuser.

Je me suis donc forcé à me demander quels fantasmes étaient les plus courants chez les pratiquants de toutes les disciplines confondues avec leurs petits cotés marrants et leurs travers plus agaçants.

J'aimerais toutefois que ces petites caricatures sans prétention de mon cru ne vous dispensent pas d'un travail de fond, mes chers lectrices et lecteurs. Car lorsqu'il y a matière à caricaturer, c'est toujours qu'il y a quelque chose de plus profond sur le sujet qui doit poser un débat, une discussion, voire des pistes de correction ou d'amélioration positive.

Evidemment, mes dessins ne visent personne en particulier de notre grand univers martial et toute confusion avec des maîtres ou personnages réels est purement fortuit.

Celui qui se pense dans un film de John Woo :

Si vous mettez les pieds dans un Dojo même une fois dans votre vie, vous n'avez pas manqué d'apercevoir ce type de fantasmes vivants très Master Ken (mais en vrai et pas drôle). Ils sont très courants sur tous les tatamis du monde entier. Plus encore, si vous avez déjà parcouru simplement le net à la recherche de vidéos intéressantes, vous n'avez pu manquer les affres et créations de ces mêmes personnages hors du commun (migraine et crise d'épilepsie incluses).

Le pratiquant qui "se pense dans un film de de John Woo" est toujours hyper sérieux sur ce qu'il estime être "son mode de vie". C'est la base. C'est comme ça qu'on les reconnait le plus souvent. Il n'y a pas de barrière entre sa vie perso et sa vie martiale. Son Do, c'est lui même et ses dernières trouvailles. C'est le genre de mec qui peut vous expliquer sérieusement une technique du dernier Tonfa Jutsu Magasine qu'il a optimisé sur "comment frapper trois types à la tête avec un seul orteil tout en restant assis sur une chaise de bar".

Malheur à vous si vous lui indiquez qu'il est..bourrin (ce qu'il est la quasi totalité du temps), il ne fera que vous préciser que lui, bien sur, pratique un art martial "sérieux" à même d'être utile dans la "vraie vie de tous les jours" ou dans des "combats de rues" comme si la vraie vie de tous les jours étaient une sucession de combats de rue version streets of rage ou double dragon.

Faut pas plaisanter avec "la vraie violence" et ouais...

Hyper actif, explosif, le pratiquant d'arts martiaux qui se prend pour John Woo vit dans son propre film. Il a également très souvent une volonté puissante de démontrer au monde "la vraie nature de son art". C'est ainsi qu'il nous abreuve avec ses propres vidéos de "sabre" avec de la musique "douce" tout à fait adaptée dans un Hell Fest et des effets "spéciaux" sépias survitaminés qui arrachent les bras d'un manchot.

Avouons le, on commence très souvent tous comme ce type, là, (alors plaignons le) qui s'excite sous vos yeux sur les débutants (seuls capables de le supporter parce que timides ou polis), sauf que nous, on était comme ça quand on était ados, quand on faisait du Kamehameha Air sur les canapés. Le soucis, c'est que lui, est resté à ce stade. Il cherche "l'efficacité" avant tout et la "maîtrise" par défaut comme si sa discipline était un catalogue ikéa pendant les soldes.

Son lieu de vie privilégié ?

Les stages départementaux de Last-action-heroes-no-michi et les tournois de Hadoken et de Pan-Ki-Krav-Tongue-Do...mais de rue. Ne lui serrez pas trop fort la main, il pourrait mal le prendre.

Celle qui veut prendre la relève de Xena :

Ce type de pratiquantes d'arts martiaux existent, messieurs. Mais malheureusement, le fantasme est parfois un peu au dessous des rêves un peu bizarres de certains et mêmes certaines qui s'imaginent qu'une guerrière est forcément à moitié à poil été comme hiver. Non pas que les armures ne soient pas forcément la solution dans certaines circonstances, hein, nous sommes bien d'accord, mais pourquoi toujours s'imaginer que les filles se battent à moitié nue ? Vous imaginez un homme se battre complètement nu avec...tous les inconvénients liés à la gravité que cela entraine ?

Et bien c'est exactement pareil (ou presque).

Le modèle plus réaliste de la pratiquante "qui veut prendre la relève de Xena" est, en ce qui la concerne, d'avantage persuadée qu'elle doit s'imposer dans un milieu majoritairement masculin en devenant plus brutale et plus rude que ses homologues. A minima, vous la trouvez dans un dojo en train de tordre un bras à ceux qui veulent l'impressionner. A maxima, personne ne veut pratiquer avec elle une fois que vous êtes déjà passé entre ses mains.

Déjà, elle commence par vous engueuler sur votre rigueur, sur la place de votre arme à coté de vos genoux, car c'est une obsédée de la rigueur. Même les Japonais ne sont pas aussi rigoureux et si votre orteil droit n'est pas un minimum aligné avec votre sourcil gauche lors du Kiaï, vous prenez un atémi qui vous arrache une prémolaire.

L'intention et la présence est pour elle...un coup et puis voilà. Tout simplement. Tout bêtement. Tant pis si le voisin s'ouvre le crâne, il n'avait qu'à bosser plus. Sa musculature peut être une caricature de nageur olympique mais méfiez vous car parfois, elle ne paie pas de mine.

Celle qui veut prendre la relève de Xéna peut très bien être la gentille kohaï qui essaie de vous sourire juste à coté de vous avec ses épaules un peu carrées. Malheureusement, vous ne pouvez pas savoir ce qu'il en est avant d'avoir pris un Mawashi Geri revisitant votre cage thoracique à la façon colorée et bordélique d'un Keith Haring.

Son lieu de vie privilégié ?

Les déménageurs Bretons mais aussi les Dojos les plus "cotés" avec les maîtres les plus prestigieux. Attention : Elle n'est pas là pour se faire des amis mais bien pour vous passer sa technique sur le corps, de gré, ou de force.

 

Celui qui veut imiter Bruce Lee :

Déclinable en plusieurs catégories (Chuck Norris, Jason Statham, Arnorld, Jet Lee etc... celui qui veut imiter Batman étant le plus atteint psychologiquement), l'imitation de Bruce Lee étant le fantasme le plus emblématique du pratiquant d'arts martiaux.

Déjà ce type de pratiquant est forcément torse nu ou peu vêtu. C'est la base. Un style. Vous le trouverez sans arrêt en train de montrer qu'il sait faire des push up et des tractions avant. Il fait des vidéos de lui dans le soleil levant, des photos de lui dans le soleil couchant, des diaporamas de lui sous des cerisiers, rien de l'arrête dans sa quête de la perfection et de l'optimisation pour lui même. Au fond, on pourrait croire qu'il est un peu égocentrique mais...ce n'est qu'un artiste martial incompris, Si, si, je vous assure. Il souhaite simplement se mettre en avant parce qu'il veut être le meilleur et qu'on ne peut pas "logiquement" se faire reconnaître comme "numéro ouane" si on n'est pas sans cesse sous les feux de la rampe. CQFD ? Aware ?

Evidemment, celui qui est dans l'imitation des légendes des arts martiaux est un grand fan de nombreux arts martiaux traditionnels dont les origines remontent à 5 siècles avant notre ère mi-ni-mum. Il est en recherche incessante de maîtres exotiques, de disciplines étranges, de challenge à l'ancienne (courir pieds nus sur des braises, avaler des blettes à clous à l'envers, manger des assiettes de porcelaine sur le mont blanc...) et sa quête peut friser parfois le ridicule. Etrangement, son niveau peut varier. Parfois, il est excellent car il s'entraine sérieusement. Parfois, il dérive un peu trop du coté de celui qui se pense dans un film de John Woo (qui lui a déjà basculé du coté de la fiction). On peut aussi le reconnaître à ses statuts FaceBook dans le style : "aujourd'hui, j'ai monté puis descendu, six cent fois les marches de ma terrasse de jardin" ou bien "j'ai mangé des haricots en esquivant les coups de tonfas de mon petit neveu" ponctués de "Osuuuuu" bien martiaux.

Son lieu de vie privilégié ?

Le monastère hyper reculé d'une province asiatique reculée d'où il tient un site internet reculé relatant ses exploits via une société de production de son cousin Maurice. Ou bien pour les moins courageux et fortunés les Dojos les plus traditionnels où ses kiaïs font mal aux oreilles mais attirent quelques admiratrices (si si...).

 

Celle qui veut apprendre à défendre son sac à main :

On dit souvent que les femmes qui viennent apprendre les arts martiaux sont plus intéressées par "le coté pratique" et l'aspect self-defense, que par l'univers martial proprement dit. C'est un cliché très répandu mais parfois, on peut tomber sur ce spécimen rare dans les cours de Latter-les-grelots-no-Jutsus pour débutant. Secrétaire en pré-retraite, grand mère sur le tard, maître nageuse pour animaux handicapés en formation, mère au foyer licenciée par ses enfants depuis super nany, celle qui veut apprendre à défendre son sac à main n'est intéressée que par une seule problématique martiale : "le cas de l'agression dans la rue".

Le reste, elle s'en fout. Sa passion, c'est sa peur fantasmée. Comme elle lirait un roman de Danielle Steele ou le dernier Marc Levy "hyper intense". Et elle est accro à "affronter" ses émotions tous les soirs avec plus ou moins de présence martiale selon les modèles.

Lorsque vous travaillez avec elle sur une technique nécessitant un peu de finesse, elle sera la première à vous arrêter pour vous dire : "nan mais attend, si je veux vraiment te piquer ton portefeuille, je vais pas faire agir comme ça du tout, naaan mais tu vois quoi".

N'essayez pas de lui faire comprendre trop vite qu'elle n'est pas là uniquement pour apprendre à protéger ses affaires, et à empêcher les voyous de lui voler son smartphone, à ne pas se préparer pour devenir Emma Peel car ce qui l'intéresse c'est avant tout l'efficacité...même si elle en manque cruellement car elle cherche à tout analyser et tout contrôler dans les moindres détails pour se rapprocher de son propre imaginaire.

On peut dire que c'est une grande cérébrale bien qu'elle soit totalement chiante dans tous les disciplines ou vous la croiserez.

Chaque séance d'entrainement est pour elle son moment de libération psychologique. Elle a donc toujours une anecdote longue et chiante à raconter sur les choses "terribles" (vraies ou très légèrement exagérées) qui sont arrivées à la belle soeur de sa tante alors qu'elle allait faire ses courses dans la Creuse. Cette histoire arrive en général au milieu d'un exercice pour lequel elle n'a aucun intérêt (un travail profond de respiration ou de gainage, quelque chose dont elle se fout parce que cela ne fait pas parti de sa top list).

Son lieu de vie privilégié ?

Les ateliers "self defense" et les stages élites de Body Karaté pour quadra décomplexés. Elle peut même faire des blogs "conseils pratiques pour se maquiller tout en se battant".

 

Celui qui a raté sa carrière de Gourou :

Celui là  est forcément un original. Il est toujours le créateur d'une branche d'une école isolite reliée à maître machin par des pirouettes historiques inventées globablement pour rendre une certaine légitimité à son délire.

Son histoire est toujours un monument du cinéma d'action (retour et perte de l'être aimé souvent dans d'atroces souffrances avec une traversée du désert effectuée dans des commandos delta force spéciale de la mante religieuse de maître Bill Wong Fuuu).

Persuadé qu'il a compris "une vérité essentielle" dans la pratique des arts martiaux, celui qui a raté sa carrière de gourou veut absolument nous faire partager ses précieuses connaissances pour une somme modique bien entendu.

En général, son discours est plutôt bon et il est également souvent doté selon ses dires hyper humbles de "pouvois mystérieux issus de son travail" dont ses élèves sont les seules victimes consentantes (faut bien optimiser le prix de l'abonnement qu'il fait payer en ayant l'air d'être en phase).

Evidemment, lorsqu'il essaie de faire marcher ses techniques sur le tout venant, le contexte est forcément tellement différent qu'il a aussi une explication plausible pour vous expliquer pourquoi ça ne peut en réalité marcher qu'entre lui et son pote, enfermés et seuls dans une pièce. Et il est tellement doué à ce petit jeu qu'il peut même vous faire penser qu'il a raison.

Ou presque.

Celui qui a raté sa carrière de Gourou reste un escroc dans l'âme. Vous en croiserez quelques uns dans votre parcours martial mas n'ayez crainte, ils sont souvent plus bêtes que méchants. Le risque vient de votre propre capacité à comprendre ce que peut vous apporter les arts martiaux.

Si vous pensez que cela sert à devenir célèbre et bien...vous êtes sa proie. Il vous sortira le grand jeu du forfait "Optimum King Fighter of The Fire Tiger of the ouane again" en 258 séances de 6 heures par semestre. Pour les plus humbles et les plus démunis, vous serez très vite déçus par sa 58ième initiation profonde qui coute une blinde. De même que ses vidéos ultra travaillées pour faire "comme à l'ancienne" avec un joueur de shamisen engagé pour l'ocasion, des effets spéciaux et génériques qui tapent ainsi qu'un traducteur qui ne sait pas trop ce qu'il fait là à expliquer tous ces "trucs".

Son lieu de vie privilégié ?

Les conférences sur le coaching de réussite personnelle à temps partiel. Ou alors la dernière convention des sosies cascades de P.aris Hilton. Vous le trouverez aussi comme préparateur physique des Anges de la Télé pendant ses congés. Mais bien sur il revient toujours dans son dojo pour se "ressourcer" pour le meilleur et...le pire.

 

Rédigé par Aïki-Kohaï

Publié dans #Humour

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