S'adapter ou mourir : L’Aïkido du monde d’après
Publié le 15 Novembre 2020
Attention, cet article est paru initialement dans Self et Dragon (été 2020) sous une forme légèrement simplifiée. Vous trouverez ci-joint une version revue et corrigée avec de nombreux outils supplémentaires utilisés lors du second confinement. Bonne lecture. |
Chaque école d’Aïkido possède sa vision de notre discipline. Toutefois certains sujets sont transversaux et permettent de nourrir la réflexion de toutes et tous. A l'heure où le monde des arts martiaux est forcé de se réinventer pour survivre, il est primordial de dédramatiser la question du virtuel et des outils modernes pour s’entrainer pendant et après le confinement. Il est également indispensable de trouver de nouveaux outils pour se réinventer.
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Accepter la réalité de l’entrainement virtuel :
Avec l’évolution de nos modes de vie, de nouveaux moyens de s’entrainer, de progresser mais aussi de pratiquer sont nés dans le macrocosme ultra conservateur des arts martiaux. Leur développement est toujours en cours. L’Aïkido et ses institutions ont toutefois dû attendre la crise sanitaire du Covid-19 pour prendre cette réalité de plein fouet. Le monde d’après, tel que les médias mainstream vont le dépeindre en décrivant le quotidien post-confinement, va être accompagné pendant de longs mois par des restrictions de nos libertés individuelles et de nouvelles interdictions ou de restrictions concernant la pratique des arts martiaux.
Pour l’Aïkido, cette situation n’est pourtant pas inédite puisqu’avec la fin de la seconde guerre mondiale, les pratiquants subissent un hiatus dans l’enseignement et la pratique. A cette période, les arts martiaux Japonais sont interdits et l’Aïkido est alors un précurseur. Notre discipline, grâce à l’influence et l’habileté politique de ses dirigeants, est la première à pouvoir rouvrir les portes de ses dojos en 1948, soit trois ans après la capitulation du pays. Trois ans pendant lesquels l’Aïkido n’a cessé de se réinventer pour survivre à sa nouvelle réalité et aux contraintes qu’on lui imposait.
En 2020, ces contraintes sont bien moindres et nous disposons également d’outils technologiques capables de transformer nos appartements, nos jardins, nos chambres en véritables espaces de pratique. Nous avons également à disposition des logiciels (les logiciels zoom, google Meet, jitsi Meet, Facebook live, Discord ou ce bon vieux skype sont quelques exemples) pour transmettre, partager, échanger sur notre pratique et maintenir son rayonnement. Malheureusement, je constate que nous en prenons conscience beaucoup trop tard.
Pire, nous dénigrons les outils virtuels en enfonçant des portes ouvertes sur le fait que nous sommes tous conscients que ces moyens d’actions ne remplacent pas complètement le contact direct avec un partenaire. Devons-nous pour autant laisser mourir la transmission de l’Aïkido sous l’autel de la certitude que nous avons de l’inutilité du virtuel ?
Ou devons-nous plutôt accepter cette réalité et lui faire face ? De mon côté, vous comprenez que je suis plutôt partisan de la deuxième solution.
Quelques exemples dans mon agenda :
Lundi : Cours d'armes sur Facebook live avec Philippe Gouttard
Mardi : Cours théorique sur l'histoire de l'Aïkido et des arts martiaux avec le club Kuroba Aïkido
Mercredi : Cours sur zoom avec Hélène Doué du Club d'Aïkido Olympiades ou bien Préparation Physique Générale avec le Club de Judo Makoto
Jeudi : Révision avec la nouvelle application mobile Kishinkaï Online de Léo Tamaki ou bien échanges en Live sur Facebook avec Lionel Froidure.
Vendredi : Repos
Samedi : Cours d'Aïkido, Aïki-taiso et Préparation Physique Générale avec le Club Kuroba Aïkido
Dimanche : Aïkido et Yoga avec Hélène Doué du Club d'Aïkido Olympiades ou Replay des cours sur Youtube avec Fabrice Croizé.
Qui a dit que le confinement n'était pas martial ?
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Nouveaux défis de la pratique face aux vieilles certitudes :
Le travail immense des créateurs de l’Aïkido, des élèves directs du fondateur qui bravaient, eux aussi, l’ensemble des contraintes à leur milieu pour diffuser l’art qu’ils avaient reçu, ne doit pas être gâché par nos certitudes.
La première et la plus courante est que l’Aïkido se pratique uniquement face à face, dans la réalité, en se touchant l'un l'autre. Parce que cela voudrait dire évidemment que l’Aïkido est résumé par cela. L’Aïki-taïso, le buki-waza, le kata, les frappes, la préparation physique et mentale du pratiquant sont autant d’exemples vivants d’une pratique solitaire de l’Aïkido qui existait déjà. Ces composantes de l’Aïkido ne sont pas de simples accessoires.
Résumer l’Aïkido à un échange concret et physique avec un partenaire en prétextant que tout le reste demeure bien peu, c’est passer probablement à côté du message de Moriheï Ueshiba. C’est également le risque de laisser mourir l’Aïkido de léthargie en sacrifice de cette affirmation.
La seconde certitude et la plus idiote est de penser que nous sommes en incapacité d’apprendre et de progresser à distance. Il y a encore trente ans, nous n’avions pas de téléphone et de caméras à disposition dans tous les foyers. En solitaire ou à plusieurs, se filmer en pratiquant permet de quoi travailler à la maison, de s’éprouver, de se défier et de rechercher. C’est un outil excellent pour mémoriser des informations sur nos corps, constater et enlever les défauts visibles et invisibles dans nos postures et nos techniques. Se filmer soit même ou filmer les autres est un excellent moyen d’apprendre qui ne remplace par l’œil du professeur bien sûr mais permet de responsabiliser sa propre pratique. Il ne tient ensuite qu’aux pratiquants d’Aïkido de contacter leurs professeurs et d’échanger sur ce qu’ils font. Il est également possible de réaliser des cours à plusieurs et à distance ou l’enseignant peut vous voir et où vous pouvez voir l’enseignant. Ce dernier est donc à même en direct de vous proposer de quoi avancer. Ajoutons enfin les méthodes citées sont utilisées dès à présent par les athlètes de haut niveau mais aussi par des pratiquants d’arts martiaux, traditionnels ou non. Alors pourquoi pas l’Aïkido ?
La troisième certitude et la plus triste est de présumer que le lien social de l’Aïkido est si pauvre qu’il disparaît hors du tapis. Echanger ensemble sur la pratique, sur des exercices, sur l’histoire et l’origine de l’Aïkido pour mieux comprendre ce que l’on fait ou fera reste un moyen de faire vivre notre discipline à distance. Un Budo est une voie mais la voie n’est pas un couloir fixe où l’on trouve une seule direction dans laquelle avancer. Cette voie influence notre vie civile. La voie prend de nombreuses directions, elle impose des recherches, de nombreuses remises en question, parfois des retours en arrière. Ne laissons pas penser qu’il n’existe qu’une seule façon et une seule voie où avancer pouvant disparaitre un fois le pied hors du tapis.
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