L'Aïkido et l'avalanche de l'événementiel

Le coup de pied circulaire se vend encore bien en cette saison :-)

"Chaque nouvelle saison, c'est la même chose" se dit parfois le kohaï. Une avalanche de calendriers photoshopés, d'affiches, de stages, de promesses et de slogans.

Chaque nouvelle rentrée est l'occasion pour nos clubs, nos dojos, nos écoles, d'en mettre "plein la vue" aux visiteurs afin qu'ils puissent découvrir (ou redécouvrir) notre art martial. Il y a donc ceux qui jouent la carte de la sobriété, ceux qui estiment que le renouveau est là, ceux qui changent complètement leur communication, ceux qui vendent la tradition et ceux...qui ne changent rien à ce qu'ils vendaient déjà dans leurs packages.

A travers les différentes formes "d'entertainment" (les réseaux sociaux, les affiches, les forums des associations, les flyers, les sites etc...) adoptées pour l'occasion, chacun va également tenter de se démarquer des autres, de définir son identité, sa spécificité, de démontrer pourquoi nous sommes "meilleurs", différents ou du moins...uniques.

Loin de faire mon vieux con (si, si, j'insiste), mais je suis chaque année frappé par l'originalité de certaines démarches mais aussi les moyens et les réactions de nos pratiquants sur cet aspect indispensable de la vie d'un art qu'est sa diffusion auprès du grand public :

-Il y a ceux qui râlent parce que la communication est moderne (parfois, ceux-là râlaient déjà quand la communication était désuète).

-Il y a ceux qui sont dans la surenchère la plus totale. Le voisin capte un public plus jeune, plus beau, plus disponible. Pourquoi ne pas tenter la même chose ?

-Il y a ceux qui sont satisfait de la même méthode depuis 30 ans et qui sont réfractaires à toute évolution. A l'inverse, vous allez trouver ceux qui révolutionnent leur image chaque année pour coller à l'air du temps qu'il fait.

Là encore, loin de moi l'idée de juger d'un tel ou d'un tel mais j'ai parfois la certitude que le merchandising prend depuis longtemps le pas sur l'objectif essentiel de la communication autour de notre art martial : l'intérêt du pratiquant lui-même.

Il ne s'agit pas de vendre un produit fini mais bien d'attirer avec honnêteté un public nouveau avec ses préjugés et sa vision des choses. Il ne s'agit pas de sur-vendre mais bien d'évoquer avec justesse la réalité de ce qu'on va trouver dans cette école, avec ce maître mais aussi... ce qu'on ne va pas trouver bien évidemment.

Ne soyons pas naïfs, bien souvent sont utilisés "les codes qui marchent" plutôt que la réalité d'un enseignement. Nul besoin d'en faire une liste exhaustive, vous savez tous fort bien à quoi sont sensibles les différents publics du petit monde de l'Aïkido  :

-on va vendre un art coopératif aux plus craintifs/vieux d'entre vous pour qu'ils se sentent en sécurité suffisante.

-on va vendre un art axé "self-defense" aux plus jeunes pour qu'ils se sentent plus forts.

-on va vendre un aspect traditionnel aux plus intellectuels/élitistes d'entre nous pour éveiller le sentiment que nous allons appartenir à quelque chose d'infiniment supérieur à la moyenne des autres arts martiaux proposés.

 Et si pour une fois on arrêtait de prendre un kohaï pour l'abruti parfait ?

L'Aïkido c'est un peu tout cela certes, sans l'être réellement en vérité. En approfondissant le sujet, c'est même totalement différent. Les écoles d'Aïkido sont multiples, intéressantes et différentes dans leurs identités tout autant que dans leurs forces et faiblesses car elles insistent sur une ou plusieurs des multiples facettes de notre discipline. Bien entendu, le nouvel arrivant à besoin de repères clairement identifiées pour savoir qui nous sommes et ce que l'on enseigne mais...

...La publicité ne fait pas tout.

Soyons également clairs sur cette publicité autour de l'Aïkido. Seuls les plus traditionalistes d'entre vous pensent qu'il s'agit d'un crime de vendre de façon moderne un art martial, un peu comme Moriheï Ueshiba avait du mal à avaler qu'on lui fasse faire une démonstration sur le toit d'un centre commercial.

Rappelons-nous que figer l'art lui-même, c'est le meilleur moyen de le tuer. Tant mieux si nous utilisons des moyens et des visuels en accord avec les outils de notre époque pour communiquer ! Bravo si ces méthodes permettent à de parfaits inconnus de s'intéresser à l'Aïkido d'une façon plus profonde par la suite. Evidemment, un adolescent en 2017 n'est bien sur par sensible aux mêmes images qu'en 1980 !

Et ajoutons qu'un pratiquant en 2017 est beaucoup plus informé sur la nature de ce qu'il pratique qu'un néophyte en 1970.

Cette "surcharge" de communication appelle une dynamique pour diffuser notre art à tous et il serait criminel de dire que les moyens actuels se suffisent à eux-mêmes quand on voit la baisse drastique des effectifs de l'Aïkido sur les 30 dernières années.

Souhaitons toutefois que votre communication à tous et à toutes en cette nouvelle saison servent bien l'intérêt principal : à savoir enrichir objectivement le pratiquant des qualités promises par votre école.

Car la maladie de la communication c'est aussi vendre tout et n'importe quoi. A ce sujet, je me garderais bien de pointer du doigt un groupe plutôt qu'un autre car nous sommes tous un peu coupables de vouloir attirer notre entourage sur un tapis.

Soyons toutefois lucides sur ce qui fait réellement rester un kohaï dans un dojo, une école ou un courant : à savoir le niveau d'excellence du travail qu'on va y trouver. Cette exigence doit être l'impératif de tous et pas uniquement de votre professeur. Nous sommes tous responsables du niveau que nous allons montrer aux générations suivantes qui arrivent fraîchement sur un tatami. Nos défauts vont devenir leurs défauts. Nos lacunes vont devenir bientôt leurs lacunes.

Sans l'exigence et la volonté de tirer les uns et les autres vers le haut, nos paroles sont vides de sens et par conséquent, notre publicité l'est aussi.

Alors, plutôt que de critiquer les affiches, les stages et les annonces que vous voyez passer...et si vous retourniez plutôt à l'entrainement ?