Chroniques de Masamichi N°4 : L'année noire

Publié le 16 Février 2017

Maître Noro chez Maître Chiba en 1967 - Angleterre

Maître Noro chez Maître Chiba en 1967 - Angleterre

Ndl : Cet article est initialement paru dans le hors série de Dragon Magazine spécial Aïkido N°14. Vous trouverez dans cette version pour le blog très peu de différence. Il est également possible que je rajoute des précisions, erratum, rectifications et des photos inédites pour que la chronique soit la plus complète possible. Bonne lecture.

Lorsque Maître Noro reprend peu à peu conscience, il est entouré de quelques élèves dans une chambre d’hôpital. Son premier regard sur lui-même est clinique tandis qu’on lui explique qu’il vient d’avoir un très grave accident de voiture. Couverts de plaies, de bleus, de bosses, de lésions, le cuir chevelu presque scalpé, suturé sur chaque membre, le moindre geste est d’une grande difficulté pour lui. Ses pieds et ses jambes sont fonctionnelles malgré la douleur, mais son bras gauche est totalement paralysée et sans aucune sensation.

Le maître demande à voir des médecins qui lui précisent aussitôt que « cela reviendra » bien que le pronostic semble s’étaler sur de longs mois sans une totale certitude. Immobilisé dans son lit, assaillit par de nombreuses questions, Masamichi Noro reconnait sobrement qu’à cette période il « était au plus bas » sans s’étaler sur la gravité de la situation.

Diminué physiquement par le sort, est-il encore capable de poursuivre la tâche que son maître lui a confié ? Doit-il rentrer au Japon pour sa convalescence ? Comment reconstruire un corps brisé au-delà du raisonnable ? Est-il encore capable de démontrer l’Aïkido pour l’avenir ? Comment reconstruire sa vie et son avenir dès à présent ?

Après quelques jours, la pensée de maître se fait plus claire et obstinée. Très méfiant à l’idée de se laisser manipuler par les médecins, il décide de commencer à prendre en main lui-même sa reconstruction et annonce à l’équipe médicale son intention de quitter la clinique d’ici une petite semaine afin de « développer son corps de nouveau ».

L’idée même qu’un homme dans son état, sorti à peine vivant d’une Volvo à l’état d’épave compactée par la casse, puisse désirer immédiatement remonter sur un tatami, démontre le tempérament obstiné de cet amoureux pathologique du mouvement au caractère parfois excessif dont le principe est : « le laisser-aller, pour moi, ce n’est pas possible ».

Evidemment, l’hôpital refuse à maître Noro toute sortie précipitée. L’urgence du maître échappe totalement à ses gardiens. La limite non négociable pour libérer Masamichi Noro de son lit est d’un mois ferme mais cette frontière ne peut convenir à l’élève préféré de maître Ueshiba pour lequel l’action est tout. Les gens qui s’occupent de lui sont sidérés, mais pas surpris, de la décision d’un jeune homme détruit physiquement mais dont l’esprit est en pleine explosion alors qu’il est au plus mal. D’ailleurs, les soins et la rééducation du maître, loin de s’avouer vaincu, ne l’empêche pas de débuter les exercices qu’il s’est lui-même fixé dix jours après son accident, rendant la situation impossible pour son entourage médical.

C’est la consternation dans l’aile où il est pris en charge. On laisse finalement Maître Noro sortir sous la « surveillance » bienveillante de ses proches.

Malheureusement, le cercle autour de maître Noro se restreint peu à peu en ces moments difficiles. Alors que maître Noro n’est plus que l’ombre de lui, le nombre de ses amis n’en est que plus diminué pour des raisons sans doute évoquées dans la chronique précédente.

Loin de s’abandonner à cet abyme, le maître y voit plutôt l’opportunité d’une remise en question totale de son approche. L’impression qu’il a d’être rendu à tous et surtout à lui-même va le pousser en avant. Il dira de cette époque où il était physiquement au deçà de ses limites, avoir profondément compris le sens de l’enseignement de son maître. Dans le lit de ténèbres où il se trouvait, le jeune Masamichi Noro comprend la signification nouvelle que toute son ancienne puissance physique, que toutes ses connaissances martiales, que les capacités athlétiques de son corps ne permettaient pas d’obtenir.

Ce désir d’explorer cet angle nouveau se heurte cependant à une douloureuse évidence. Le maître est isolé et ne peut pas s’entrainer seul. Il ne peut pas non plus réapprendre son art avec l’intensité qu’il souhaite sans trouver le partenaire capable de le suivre sur tous les chemins qu’il aspire à explorer.

Alors que le choix s’offre à lui et que d’autres s’éloignent sans doute persuadé que maître Noro se sera plus jamais debout sur un tatami, Katsuaki Asaï répond présent à l’appel de son ami et quitte immédiatement l’Allemagne pour se mettre à sa disposition. Ce geste de dévouement liera les deux hommes maintenant et à jamais alors qu’ils se lancent dans une routine nouvelle.

Les premiers entrainements sont très difficiles et le corps de maître Noro s’obstine à refuser le choc, les séquelles, les cicatrices. Maître Noro dira de ces instants dans une ancienne interview « je n’arrêtais pas de me questionner et j’avais une énergie extraordinaire. Je sentais la flamme en moi et je me rappelais les paroles d’O-sensei « Homme, ciel, terre ». […] Dans ma douleur, tous ces exercices, je les pratiquais mieux à partir du centre vital, le hara et je comprenais mieux ».

Le maître dira également sur cet épisode de sa vie une phrase fondamentale pour son avenir : « Jusque-là mon exercice se résumait à « force contre force », une technique pour le combat. Avec cet accident je me suis tout à coup éveillé à la parole de Maître Ueshiba ».

Il est intéressant sur ce point de comparer les démonstrations d’Aïkido du maître avant son accident (par exemple, celle de 1964 au Centre Nîmois des Arts Martiaux) et après celui-ci (par exemple, son stage d'Aïkido au CLAM à Lyon Vaise en 1969 ou sa démonstration de Macon en 1974 avec Maître Asaï en uke) pour se rendre compte que de subtils éléments externes du « style » Noro sont en train effectivement d’évoluer tandis que l’aspect interne et la vision du maître sont en train d’effectuer une révolution totale.

A travers l’Aïkido, alors qu’il demeure toujours au service actif de son maître et de ses élèves, Maître Noro retrouve peu à peu l’énergie qui le caractérise. Lors d’une démonstration au Royal Albert Hall de Londres fin 1966, il raconte également cette anecdote marquante dans un entretien sur cette époque : « je gardais un bras paralysé. Ce jour-là mon bras s’est mis à bouger. C’est dommage qu’il n’y ait pas de film de ce moment. Le mouvement est arrivé. Il n’y avait plus de différence entre la main droite et la main gauche. Tous les doigts bougeaient. Sans que ma volonté intervienne. Quelle expérience extraordinaire ! Grâce à l’aïkido. »

Ceux qui connaissent effectivement les lourdes séquelles dont le maître était victime ne peuvent que constater l’acharnement du maître à toujours se mouvoir, à dépasser la diminution de ses capacités athlétiques pour y ajouter quelque chose de bien plus fort que la force elle-même. Quelque chose que beaucoup d’enseignants recherchent lorsqu’ils parlent de modifications du corps et d’unification de l’énergie sans avoir été privé un jour de la puissance de leurs chaines musculaires, de la nervosité de leurs réflexes, de la dureté de leurs squelettes.

A travers de nombreux témoignages et récits, on comprend également que la pratique de Masamichi Noro prend une dimension différente, à travers le cheminement de l’énergie qu’il cherche à recouvrer pour se libérer et enfin « caresser l’espace » comme il le dira lui-même si souvent dans l’avenir. Il s’agit des débuts d’une quête qui débute, qui le transforme, qui va l’absorber complètement.

 

 

Alors qu’il est encore en convalescence, l’année 1967 marque un renouveau pour Masamichi Noro, et le point final d’une installation définitive dans la capitale. Le maître ouvre, avec ses disciples, l’association « Institut d’Aïki-do Masamichi Noro, Aïki-kaï de Paris », 4 rue de constance dans le 18ième arrondissement. Le dojo est un bel espace de presque 100m2 métamorphosé en haut lieu de la tradition Japonaise dans le cœur de Montmartre. Notons qu’il s’agit du second dojo de maître Noro dans l’ordre chronologique exact mais pourtant le premier véritable foyer d’un « groupe Noro » en tant que tel bien que certains élèves suivent déjà le maître depuis 1964, date de son arrivée Parisienne.

Dans ce grand espace carré, de très nombreux experts comme Maître Tamura (ce dernier poursuivant l’impulsion donnée par Maître Noro via l’ACFA, qui deviendra UNA, puis la future FFAB), Maître Tada, Maître Nakazono, Maître Asaï, Maître Ishimura, Maître Kitaura, et Maître Chiba vont démontrer l’Aïkido à l’invitation du maître des lieux.

Le Dojo de Maître Masamichi Noro devient également le lieu incontournable de nombreux événements dont le festival international de l’Aïkido destiné à faire la liaison directe entre les élèves pratiquants en Europe et les nombreux délégués officiels du Hombu Dojo de Tokyo. Des centaines de spectateurs et participants dont les nationalités sont diverses vont se succéder ces années là sur le tapis du groupe Noro pendant 8h par jour, profitant des différents enseignements proposés durant ces éditions exceptionnelles.

Notons enfin que « le planning des cours » proposés par l’Aïkikaï de Paris atteint également un niveau presque identique aux cours proposés par l’Aïkikaï original de Maître Moriheï Ueshiba ce qui en dit long sur la fréquentation et l’engouement du public, profitant à cette période des si précieux petits « Aïki-mémo » censés illustrer les techniques.

N’ayons pas de crainte de préciser que ces « Aïki-mémo » si célèbres sont passés à la postérité des matériaux pédagogiques de l’Aïkido de cette période mais qu’il ne recouvre qu’une infime partie des travaux de Masamichi Noro qui signaient également des billets réguliers pour le Budo College Belge de Julien Naessens, à destination des pratiquants.

N’ayons pas peur de dire non plus à ce propos que certains des maîtres d’Aïkido d’aujourd’hui passés lors de cette période dans la vie de Maître Noro (René Van Droogenbroeck, Daniel Martin, Gerard Blaize, Alain Guerrier, Michel Bécart, Daniel Toutain etc…) comptent comme des piliers du paysage martial.

A cette même époque, un certain Yasuo Deshimaru, plus connu sous le nom de Taisen Deshimaru arrive à Paris durant l’été, suivant le désir de son maître Kōdō Sawaki de voir le bouddhisme zen se développer en Europe. Ce dernier trouve un travail dans un magasin macrobiotique où le moine peut également faire zazen dans l’arrière-boutique tout en initiant des élèves aux nombreux mystères du Zen Sōtō.

Arrêtons-nous un instant sur la macrobiotique qui attirait bon nombre d’adeptes des arts martiaux dans les années 60/70 car elle va demeurer un lien entre de nombreux pratiquants et Maîtres Japonais expatriés de cette époque : Son « fondateur » moderne (car les racines d’une alimentation censé favorisé la longévité remonte à l’antiquité) est Sakurazawa Nyoichi, plus connu sous le nom de Georges Ohsawa, et s’inspire de différents éléments de l’alimentation des moines zen pour définir un régime strict basé sur les principes in/yo (Ying/Yang en Chinois) afin d’équilibrer la charge énergétique de chaque aliment.

Afin de développer ce point notons également plusieurs faits importants :

-Georges Ohsawa avait rencontré O-senseï dans les années 50 et il est souvent dit qu’ils partageaient des liens d’amitiés. Georges Ohsawa envoyait d’ailleurs ponctuellement des macrobiotes vers Moriheï Ueshiba afin d’étudier également l’Aïkido. L’un de ses ouvrages intitulé « Judo » mentionne d’ailleurs brièvement O-senseï.

- Georges Ohsawa décède en avril 1966, laissant le mouvement macrobiotique Français sans tête de file, et les congrès et camps sur la macrobiotiques laissèrent volontiers une place très importante à Taisen Deshimaru dont les liens avec Georges Ohsawa étaient connus et appréciés.

- De nombreux élèves d’O-senseï étaient des proches de Georges Ohsawa. Maître Nakazono Mutsuro, également expert en médecine orientale, était aussi un proche de Georges Ohsawa, compagnon ponctuel de ses voyages, qui lui décerna d’ailleurs le plus haut grade de son école malgré plusieurs divergences de points de vus. De même, Maître Nobuyoshi Tamura, très attiré par l’univers du zen, était également un adepte accompli de la macrobiotique et un proche de Georges Ohsawa chez lequel il demeura un an durant sa jeunesse. Enfin, Yamaguchi Seigo était également familier de Georges Ohsawa puisque son propre frère fréquenta l’institut Sakurazawa.

Les fils du destin étant donc étroitement entrecroisés entre le zen, la macrobiotique et l’Aïkido, à cela s’ajoutait de surcroit la fascination de Taisen Deshimaru pour la capitale Française, demeurant strictement identique à celle de maître Noro. Les deux hommes disposaient de tant de centres d’intérêts qu’il était évident que leurs chemins allaient finalement se croiser cet été 1967.

Les échanges fructueux souvent évoqués dans la grande histoire des arts martiaux entre Maître Noro et le révérend Deshimaru ne sont pas tous passés à la postérité bien qu’il existe de nombreuses pistes de recherches. Tout d’abord, il est certain que maître Deshimaru dirigea plusieurs zazen dans le Dojo de la rue Constance et rencontra la plupart des senseis de l’Aïkido lors de grands stages comme celui de Zinal.

On peut affirmer ainsi que ces contacts prolongés entre les deux hommes se sont sans aucun doute accompagnés d’une transmission mutuelle sur une période qui s’étale très probablement sur une dizaine d’année comme semble le dévoiler une interview de 1999 effectuée par Luc Boussard où Maître Noro, dont je dévoilerais cette unique citation, défend habilement Kodo Sawaki, le maître de Taisen Deshimaru « Le maître zen conduit les maîtres du sabre, les samurai et tout le monde vers la simplicité, vers la netteté. Si le maître du sabre va dans une autre direction, le maître zen le corrige. Il y a des tas de documents. Je n’ai jamais vu qu’un maître de zen conduise vers l’esprit animal. »

Alors que Noro Masamichi renait au mouvement, il semble également s’ouvrir à d’autres voies, d’autres pistes et son cœur est en quête de rencontres afin d’enrichir son Aïkido d’un supplément d’âme.

De son coté, son compagnon de route Katsuaki Asaï, fonde avec le Dr. Karl-Friedrich Leisinger, une nouvelle organisation indépendante qu’il appelle l’Aïkikaï d’Allemagne en cette même année 1967. Comme Masamichi Noro avant lui, Maître Asaï subi l’orage et la vindicte et s’attire de son coté l’inimitié des nombreux dirigeants de la fédération Allemande de Judo et les menaces d’exclusion totale des dojos sont nombreuses à pleuvoir. Ultime point commun entre les deux amis : aucun des deux n’acceptera de sacrifier son indépendance par de petits arrangements.

L’année noire de maître Noro, vainqueur de ses propres séquelles, n’est cependant pas celle de son accident comme on pourrait légitimer le penser. Il répéta souvent que cet événement avait été une révélation pour lui. Fin 1968, Masamichi dû cependant rentrer au japon en catastrophe pour faire face à l’état critique de son père et au déclinement de son maître. Les deux hommes à l’origine de la vie de Maître Noro s’éteignaient doucement.

Huit ans s’étaient déroulés depuis son départ contraint et le quartier de Shinjuku de Tokyo s’était complètement métamorphosé. Dès qu’il mit un pied sur son sol natal, Masamichi Noro souhaita très vite se rendre à l’Aïkikaï où il pu rester dormir et assister au premier cours du matin. L’ancien dojo en bois était maintenant détruit et désormais, méconnaissable, un bâtiment moderne en béton armé d’une hauteur de trois étages se dressait fièrement depuis son inauguration le 2 janvier 1968.

Plus rien ne semblait pareil. Même les plus infimes détails. Alors que le nombre de pratiquants d’Aïkido au Hombu Dojo dans les années 1950 était très variable, ils étaient maintenant nombreux et tous voulaient approcher un Moriheï Ueshiba, solaire, mais dont la mémoire était sur le déclin. Alors que Masamichi Noro s’intallait à côté de Kisshomaru Ueshiba pour le cours, O senseï fut effectivement intrigué et s’approcha de lui pour…lui demander son nom.

« Je suis Noro » répéta Masamichi qui dû répéter une dizaine de fois la même phrase pendant toute la classe avant que son fils, Kisshomaru, n’intervienne pour expliquer à son père qui était venu enfin leur rendre visite. Maître Ueshiba se mit alors à crier « Noro ! Paris ! Noro est là !» sautant et dansant devant tout le monde. La classe demeura sidérée de cette facétie. Difficile de faire plus parlant qu’un témoignage d’affection aussi puissant et spontanée de la part de ce vieil homme qui changeait la vie des autres. Mais cet épisode de retrouvailles entre un maître et son disciple préféré fut de courte durée et, plus tard, alors que Masamichi vint le voir dans sa chambre, O senseï lui redemanda son nom à nouveau… Le fondateur de l’Aïkido devait décéder quelques mois plus tard alors que Maître Noro était déjà de retour en France. Il apprit par la suite le décès de son père dans un second temps car sa famille osa lui cacher pendant une période afin qu’il ne soit pas fou de chagrin et ne retourne pas immédiatement au Japon à nouveau.

Odyle Noro-Tavel à l'époque de sa rencontre avec Masamichi Noro (1969)

 

Hasardons qu’à cette période, l’entourage du maître sait d’ors et déjà que la France et Masamichi Noro sont désormais indissociablement unis.

Cette union produit d’ailleurs un ultime événement déterminant pour l’ensemble de l’existence du Maître le 15 août 1969 alors qu’il donne avec d’autres experts une série de stages et de démonstrations à Fréjus.

Masamichi Noro fait la rencontre d’une jeune judokate, déjà déterminée à intégrer totalement l’univers des arts martiaux : il s’agit d’Odyle Tavel. Très vite, ces deux passionnés se rapprochent et l’affection qui va les unir deviendra l’assise de Maître Noro, son point d’attache, une boussole indispensable dans un univers martial Français très éloigné des conceptions Japonaises. Le couple qui s’est formé là se marie le 16 janvier 1971 à la mairie du 18ième arrondissement de Paris en présence de nombreuses personnalités.

Précisons que la mère de maître Noro fait spécialement le déplacement pour l’occasion, afin de revêtir sa bru d’un kimono exceptionnel. Une pièce incroyable sortie du musée de l’exposition universelle d’Osaka ornée dans le dos du mont Fuji. Madame Noro mère portait de son côté le traditionnel kimono noir brodé de Tsuru(s), la grue des immortels, symbole profond de prospérité.

La mère de maître Noro et Odyle Noro-Tavel le jour de son mariage (1971)

 

L’apogée de cette réussite est probablement la démonstration du Marcadet Palace le 5 mai 1970 à 21h où l’immense salle de 1700 places était comble de curieux et de connaisseurs Parisiens venus pour voir cet Aïki-do dont « L’homme libre de Montmartre » raffolait. Mme Binoche, également présente au mariage de la famille Noro, présidait alors la soirée en trois parties avec Joel Le Tac et la démonstration magistrale de Masamichi Noro et Katsuaki Asaï, met comme un point final à 4 années de douleur pour réinventer l’Aïkido d’un homme qu’un accident avait complètement détruit et dont le maître et le père étaient désormais disparus.

Cette renaissance s’accompagne également d’autres rencontres marquantes comme Karlfried Graf von Dürckheim, docteur en philosophie et adepte du zen (qui sera très vite considéré comme le « troisième père » de Masamichi Noro), ainsi que Marie-Thérèse Foix et Gisèle de Noiret, kinésithérapeutes. Alors qu’il est né d’orient, la reconstruction du maître est désormais amorcée à l’aune de l’occident avec la naissance d’un premier enfant Masami Noro le 23 juillet 1971.

Un observateur attentif peut constater pour conclure la chronique de cette période que, lorsqu’il débute son entrée au dojo de la rue Constance, Masamichi Noro porte régulièrement un hakama noir identique à celui de ses élèves, il opte toutefois peu à peu pour le port quasi définitif de l’habit blanc qui le caractérise ensuite comme si quelque chose s’était produit à cette période de son existence.

Les raisons précises de ce changement ne sont, bien sûr, que des interprétations complètes puisque le maître lui-même ne révélait pas souvent la motivation profonde derrière ce genre de petit détail. Gageons cependant que Masamichi n’a pas fait les choses par hasard lors de son parcours. Supputons que derrière cet amoureux des symboles, des chiffres, de l’aspect caché de l’humain, se cache toujours un trésor.

Maître Noro, Rue Constance

Plusieurs interprétations simples sont possibles sur ce point. Est-ce le fait d’assumer enfin un changement dans sa pratique avant et après son accident (bien que de nombreux témoins savent qu’il portait parfois le hakama blanc avant 1966) ? Maître Noro ne dit-il pas dans la préface du livre de Daniel Roumanoff que 1966 est l’un de ses deux «points d’ancrage », ceci préfigurant une évolution ? Est-ce plutôt le souhait du maître de se singulariser ? Ne disait-il pas également : "Quand tout le monde allait à gauche, j'allais à droite." ? Est-ce plutôt le signal de départ d’une nouvelle recherche ou bien celle d’une pureté retrouvée ?

Peut-être qu’il s’agit simplement du fait que le maître aime l’esthétique de l’habit ou bien une simple décision spontanée ? Ou bien s’agit-il de se rapprocher d’une pratique du fondateur, lui-même peut être influencé (sans certitude) dans sa démarche par d’autres comme le kendoka Nakayama Hakudo ?

Les éléments factuels laissent dans tous les cas à penser que cette transition est la plus flamboyante de Maître Noro et qu’elle laisse une trace encore indélébile. "Viva roba bianca! Viva roba bianca!" scandaient déjà les spectateurs lors d’une soirée de démonstrations en 1971 concluant le stage de Desenzano, près du lac de Garde en Italie.

 

Rédigé par Aïki-Kohaï

Publié dans #Chroniques de Masamichi

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A
Bonjour,<br /> <br /> Une petite coquille :<br /> "sans avoir été privé un jour de la puissante de leurs chaines musculaires,"<br /> puissance<br /> <br /> "« Je suis Noro » répéta Masamichi qui dû répéter une dizaine de fois la même question pendant toute la classe"<br /> réponse, plutôt que question, non ?<br /> <br /> Cette chronique est très intéressante.<br /> Mon professeur d'Aïkido a aussi subi de lourdes blessures, et grâce à l'Aïkido (et à sa volonté de fer surtout), il a pu passer outre et continuer sa pratique.<br /> <br /> Continuez s'il vous plaît :-)
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A
Merci à vous :-)