Donner du sens à sa pratique : Retour sur le stage technique de Fabrice Croizé du 29 novembre 2014

Publié le 30 Novembre 2014

Fabrice Croizé en action (source : son site Personnel)

Fabrice Croizé en action (source : son site Personnel)

Venir m'entrainer à Pantin pour le travail aux armes chaque samedi est un rituel qui est devenu pour moi indispensable dans la construction de mon apprentissage. Aussi, lorsque Monfouga Senseï apprit à certains d'entre nous que ce samedi se déroulait en lieu et place de notre keiko habituel un stage technique, je dois avouer que mon premier sentiment de kohaï fut bien stupidement "mince, je ne vais pas pouvoir bosser mon kenjutsu".

Oui, je sais ce que vous vous dites là tout de suite...Y a des fois comme ça où on ferait mieux de ne pas penser du tout :-)

Je compris ensuite très vite que ce stage de Fabrice Croizé était scindé en deux parties : une partie ken, et une partie taïjutsu (pratique à mains nues) et je fus rassuré. Mais après quelques petites recherches sur le parcours de Fabrice, encore inconnu de moi dans les grandes lignes, je devins alors remarquablement intenable et curieux.

Fabrice Croizé senseï débute sa carrière d'Aïkidoka à 18 ans alors qu'il est encore étudiant en ingénierie électronique à Noisy-le-Grand sous la direction de Pierre Helley (5e dan UFA) et poursuit en parralèle sa formation de budoka dans le club municipal de Noisy-le-Grand.

Son premier dan en poche, il s'inscrit à Vincennes au Cercle en 1995 et c'est le début pour lui d'un long parcours auprès de Christian Tissier senseï. Ses partenaires de pratique sont à cette époque rien de moins que Bruno Gonzales et Pascal Guillemin qui sont alors les assistants de Christian.

Fabrice Croizé deviendra d'ailleurs lui aussi assistant du maître et voguera avec son shihan et d'autres comme Marc Bachraty pour des aventures martiales bien connues de tous (Bercy, Pékin, les WCG, les fameux DVD applications etc...). Pour moi, Fabrice Croizé reste d'ailleurs un peu avec Pascal et Bruno le uke de Christian Tissier Shihan que j'ai découvert lorsque je me suis sérieusement intéressé à notre discipline. Je me souviens d'ailleurs que je le reconnaissais immanquablement sur les vidéos avec ce que j'appelle sa "tête-de-pas-content".

 

Fabrice Croizé senseï et sa "tête-de-pas-content"

(Photo :S. Ouzounoff, Source : Site perso de Fabrice)

 

Devenu pourtant professeur depuis plus de dix ans, membre de la direction technique d'Ile-de-France de la FFAAA, et "Dojo-cho" avec l'excellente Hélène Doué (dont on me parle si souvent) du très fameux Dojo des Guilands de Montreuil, il est bien sur évident que Fabrice Croizé n'est plus uniquement "le super Uke de" et ce depuis bien longtemps... Son stage technique m'a montré d'ailleurs qu'il est un professeur remarquable et surtout un impressionnant bretteur.

Je l'attendais aussi ce samedi avec sa "tête-de-pas-content" mais c'est avec surprise qu'il arriva à ce stage en arborant un sourire communicatif. Mon premier ressenti de kohaï fut donc plus que positif car Fabrice a effectivement cette aura de martialité hyper flippante comme ça mais en fait...il sait aussi tout à fait mettre à l'aise ses élèves et a fortiori les débutants. Je crois d'ailleurs l'avoir entendu faire quelques blagues avant et après le cours ce qui est pour moi un facteur important.

Beaucoup d'anciens me diront bien sur que c'est bien idiot de vouloir qu'un professeur soit drôle et qu'un enseignant d'Aïkido est là avant tout pour l'art martial et pas le stand up. Je vous répondrais quelque chose que seul un kohaï peut vous dire avec franchise : les plus grands professeurs ne sont pas des professeurs qui semblent se prendre au sérieux.

Cela ne veut pas dire qu'un maître n'est pas sévère et exigeant bien sur mais il est notable en ce qui me concerne, et je peux le dire du haut de mes humbles 31 balais, que les meilleurs maîtres (et c'est valable pour tous les domaines et pas uniquement les arts martiaux) que j'ai pu rencontrer savaient toujours se montrer profondément bienveillants, drôles et humains derrière l'exigeance et la sévérité de leurs attentes. Evidemment, ils sont tout à fait capables de vous coller des taloches, Bien sur que oui, ils sont aussi remarquablement complexes et rigoureux s'ils le souhaitent. Mais le bon maître sait pour moi s'habiller de simplicité.

Mais revenons à nos moutons...

C'est donc un Fabrice Croizé tout sourire qui débuta son cours de ken et chacun des très nombreux participants présents pour l'occasion étaient prêts, bokuto à sa droite et en position seiza, à recevoir son enseignement dans la bonne humeur.

Nous avons débuté rapidement par plusieurs séries de suburis, histoire de réchauffer les corps et les coeurs. Fabrice Croizé senseï comptait en japonais puis passait invariablement auprès de chacun d'entre nous pour corriger une posture, un mouvement, une tension... Je me suis alors demandé comment il arrivait à observer autant d'élèves en même temps tout en arrivant à savoir ce qui n'allait pas chez un tel ou un tel. Peu à peu, je sentis qu'il quittait son sourire pour la précision comme un bushi quitte un "horo", ce manteau de samouraï, semblable à une crinoline et capable de dévier une flêche sur un champ de bataille.

Des suburis nous sommes alors passés aux techniques de Battojutsu, l'art de dégainer le sabre et de frapper comme l'éclair. Ces techniques étaient ponctuées d'exercice et de conseils pour analyser le timing, lire l'intention. Nous nous sommes exercés tout d'abord avec un adversaire imaginaire puis à deux afin d'affiner l'attitude, le positionnement des pieds, la densité, la construction de nos postures autour du centre (le hara). Je pense qu'il s'agissait d'une série de Kihon Dachi, ces fameux "duels à distance rapprochée" (tachiai) mais je vous avouerais que je n'en suis pas certain.

 

Fabrice Croizé lors d'un séminaire international au Brésil en 2014

(source : youtube)

 

Fabrice Croizé senseï corrigeait chaque mouvement avec minutie. Pour ma part, j'ai d'ailleurs noté et tenté de corriger l'habitude imbécile dans ce genre d'exercice de me tenir avec "la main qui frappe" postée sur le fourreau, prêt à lancer mon attaque. Je remercie d'ailleurs Fabrice senseï pour ses conseils éclairés lorsqu'il passa auprès de moi pour me démontrer qu'avec un simple positionnement de l'épaule, des mains, ou des doigts, mon adversaire pouvait déjà me lire à l'avance. Alors imaginez bien qu'un placement prêt à la frappe devenait un jeu d'enfant à percevoir. J'ai compris aussi qu'il fallait apprendre à  observer les mouvements cachés et je fus heureux de voir que toutes ces heures de mitori geiko n'étaient pas vaines. L'apprentissage de mes maîtres habituels et leur insistance à me voir analyser les mouvements cachés sur les photos et vidéos trouva son chemin dans mon esprit et je compris enfin la raison de leurs exigences.

Le maître mot de Fabrice en ce qui me concerne fut pour ces exercices "Tu ne dois pas donner des indications".

J'ai particulièrement apprécié l'entrainement où, uchitachi (partenaire enseignant), avance dans notre dos de trois bon pas et où nous devons exécuter la sortie du sabre et frapper parfois en Kesa Giri (mouvement de découpe diagonal vers le bas) tantôt le torse, tantôt la main, tantôt le visage (comme un yokomen uchi) selon le temps, le timing, la distance et le mouvement de notre partenaire. Certains anciens s'amusaient à ne pas forcément nous suivre, d'autres respectaient scrupuleusement le timing mais se montraient exigeants sur le mouvement et l'intention. Fabrice Croizé insistait beaucoup sur le fait de "donner du sens" aux mouvements de notre partenaire lorsque nous étions nous même "uchitachi" et je fus frappé par ses démonstrations.

Les uke de Fabrice Croizé devaient s'armer de courage et de détermination car les frappes étaient vives et il ne fallait pas laisser trainer son bras, sa main et même son corps sur la trajectoire. En l'observant son Aïkiken, issu sans doute de Christian Tissier shihan et si je ne m'abuse du kenjutsu Kashima Shin Ryu d'Inaba Minoru (bien que je sois peu au fait des controverses sur qui est autorisé à enseigner quoi), je ne pus m'empêcher d'être fasciné par la crédibilité, la justesse et la qualité de ce que je voyais. Voilà pourquoi je voulais, dès mon 5ième kyu, me doter d'un bagage technique aux armes et notamment au sabre. Sous mes yeux, je tenais un expert aux frappes précises, convaincantes, déterminées et au kiai terrifiant.

Que les anciens qui me lisent me pardonnent car il y a sans doute d'autres excellents professeurs dans mon entourage et mon maître est lui-même un grand bretteur mais ces techniques de battojutsu firent naître le sentiment que j'étais à des années-lumière de la moindre compréhension martiale en buki waza. Mais le plus intéressant était la capacité de notre enseignant à toucher ses ukes de plein fouet tout en arrivant à ne jamais leur causer le moindre mal sérieux.

Je me suis dit que si je devais agir aussi rapidement et frapper avec une telle force mon partenaire de tatami dans une situation semblable, celui-ci allait très vraisemblablement se retrouver à l'hosto.

 

Fabrice Croizé lors d'un séminaire international au Brésil en 2014

 

Arriva enfin la seconde partie du stage et le taïjutsu. La grande majorité de nos exercices furent guidés, je le crois, par la même idée directrice de la coupe en Kesa Giri et de nos expériences précédentes au sabre. Fabrice Croizé nous fit beaucoup travailler sur du kokyu-nage et notamment du Kokyu-nage en suwari waza. Je le remercie d'ailleurs pour sa patience et ses encouragements. Beaucoup de ses explications débutaient par "pour nos amis débutants..." et se terminaient par des astuces de construction. J'ai également le souvenir plaisant d'un moment où, n'ayant pas de partenaire, Fabrice me prit gentiment par l'épaule et m'emmena bosser mon suwari waza avec ses élèves d'un niveau que je juge vraiment impressionnant pour moi. Il resta d'ailleurs de nombreuses fois à corriger ce que j'ai pu faire et à m'encourager ce qui est précieux pour un kohaï tout rouge et aux pieds déchirés par ce genre de pratique, croyez le bien.

Au delà du suwari waza, j'ai également noté et apprécié certaines applications comme ce "shihonage" sur une saisie du bras avec les deux mains si ma mémoire est bonne où tori doit passer par le sol bien plus qu'un shihonage classique.

Que dire de plus ?

Ce stage était très intense pour moi (intensité 8 sur l'échelle du Gouttard), les explications parfois très concises au profit d'une correction ultérieure par le maître lui-même ce qui j'avoue, n'était pas toujours évident. Mes partenaires étaient dans l'ensemble assez patients et les débutants présents étaient vraiment sympas et d'un excellent niveau.

 

Fabrice Croizé lors d'un séminaire international au Brésil en 2014

 

Un énorme merci à Fabrice Croizé senseï pour ce stage excellent ! Je ne veux pas trop faire mon fayot mais j'ai adoré. Je pense que c'est la première fois que j'ai l'impression d'aborder sous cet oeil aux armes ce qu'on appelle sen-sen-no-sen, ces techniques qui nécessitent que l'un saisisse l'initative.

Mes remerciements particuliers vont aussi à Thierry le palmiériste, à Cosmo Coquin, à Marco le kohaï de P8, à mes senseïs et sempaïs de toujours et surtout à Arthur Frattini, notre hôte pour l'occasion, que j'ai eu enfin l'occasion de rencontrer.

Je sais qu'Artur est un lecteur du blog, je lui dois d'ailleurs cette phrase mémorable et amicale que j'ai retenu lorsque nous nous sommes présentés ("Oooh. Mais c'est toi la tortue ?"). Il ne faut oublier qu'il est aussi un professeur et pratiquant confirmé et il ne manquait pas non plus de m'encourager (alors que je suis une humble quiche).

Pour le coté trivial, tout était également prévu par lui pour qu'on puisse se rafraichir et nous restaurer afin de récupérer un peu d'énergie.  Bref, ce fut un très bon moment sur tous les plans et j'en sors avec l'envie de continuer à approfondir le buki waza.

Rédigé par Aïki-Kohaï

Publié dans #Pratique de l'Aïkido

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